PERSONA 5 ROYAL
Japon – 2016
Support : Playstation 4, Nintendo Switch
Genre : RPG
Développeur : Atlus
Éditeur : SEGA
Musique : Shōji Meguro
Durée de jeu : Élevée
Langues : Voix japonaises et anglaises, Textes français
Date de sortie : 21 octobre 2022
LE PITCH
Lycéen venant d’intégrer un nouvel établissement, vous et vos amis formez les Phantom Thieves : un groupe de justiciers aux pouvoirs extraordinaires luttant contre l’injustice et les créatures provenant d’une mystérieuse réalité.
Smeel likes Teen Spirit
Saga phare déclinée sous toutes les formes depuis 1996 (jeux vidéo, manga, livres), Persona est l’un des emblèmes incontestables du JRPG se déroulant dans un univers contemporain. Le lycée japonais étant les décors emblématiques de la saga, ce cinquième épisode ne déroge pas à la règle, mêlant une fois de plus combats dantesques et passage à tabac de la société japonaise.
A la différence de son cousin américain plus porté vers les promesses d’open world et les heures de jeu à se promener dans un univers programmé, le JRPG, plus dirigiste a toujours privilégié une trame scénaristique forte (ou du moins essayé), pouvant paraitre plus scripté au premier abord. La saga des Persona fait office de référence en la matière et de dernier opus, sublime même le concept. Passé le premier niveau haut en couleur se déroulant dans un casino et et servant d’introduction didactique entrecoupée de séquences animées, le spectateur se retrouve…loin de l’action qu’il pouvait attendre. Lycéen dont il faudra prendre soin de nommer, le protagoniste principal de Persona 5 se retrouve logé loin de chez lui afin d’intégrer un établissement dans lequel il n’est pas le bienvenu. Intéressant pour être souligné, il est rare d’incarner un paria rejeté pour une faute relevant clairement d’un fort problème de société. Pire, personne ne semble tenter de comprendre son acte lui ayant valu l’exclusion de son ancienne école. Le drama japonais est plus que présent et devient au fil du jeu une expérience aussi entrainante que les phases de combats. Se déroulant sur une année, le joueur devra aller en cours, sortir, faire du sport, trouver du travail…avoir une véritable vie, tout en n’oubliant pas de combattre une horde de démons. Des ennemis représentés souvent par des homologues humains dont les repaires se trouvent dans une réalité en miroir des lieux fréquentés au quotidien par les protagonistes.
Welcome to the Jung-le
Si l’exposition des problèmes de société, et en particulier celle du japon, n’est pas nouvelle, elle est ici placée au premier plan. Dans la saga persona, chaque protagoniste possède un double, une « persona » qui prend le dessus lorsque nécessaire (lorsqu’il faut combattre des méchants, allons droit au but). On sent bien là l’influence de Carl Jung sur l’écriture de la saga. « La persona est ce que quelqu’un n’est pas en réalité, mais ce que lui-même et les autres pensent qu’il est » disait le psychiatre suisse. La double lecture du jeu prend donc tout son sens dans le titre. La persona n’est pas que la doublure super-héroïque, ou démoniaque, des personnages, mais aussi, à l’image de Superman, leur alter égo « humain », leur masque porté au quotidien pour aller en cours. On peut même appliquer l’idée à l’image renvoyée aux autres par les actions que l’on nous prête. Ainsi le protagoniste principal est il un fauteur de trouble ? Le mauvais élève est il réellement un bon à rien car les autorités en ont décidé ainsi ? La lecture du double va bien au delà du simple alter ego héroïque.
Derrière Persona, les auteurs créent une immense métaphore dénonçant et enfonçant le système japonais…et tout le monde en prend pour son grade. Parents abandonnant la responsabilité de leurs enfants, policiers, politiciens, professeurs…tous représentent une forme de déchéance de la société japonaise, qu’ils portent un masque ou non. Il en est de même pour les infrastructures importantes du pays. Ainsi, dès le premier niveau, les héros se retrouvent piégés dans un château maléfique n’étant qu’un miroir de leur propre lycée. De là à voir dans ces lieux fantaisistes, appartenant à l’Autre Monde, un reflet des institutions il n’y a qu’un pas.
Au delà de sa profondeur d’écriture, Persona 5 n’oublie jamais d’être un jeu. Alternant avec un parfait équilibre les séquences de « simulation de vie » poussées avec des phases d’exploration, d’infiltration et de combats, le jeu table sur tout un spectre de gameplay et ne perd jamais sa trame principale dans les multiples choix proposés. L’action se déroulant sur une année, le joueur ne pourra pas uniquement passer son temps à draguer et aller boire des verres. Si, on le concède, le joueur doit accepter de vivre à nouveau dans la peau d’un lycéen pendant la soixantaine d’heure de jeu annoncée, le soft n’apparait jamais comme exigeant, mais plutôt comme un guide. Ainsi, pas besoin de farmer ni de chasser l’XP pendant des centaines d’heures, laissant à chacun plus d’attention au jeu et à l’histoire.
Recette royale chez Nintendo
Sorti sur PS4 trois ans après la version classique, Persona 5 Royal venait assouplir et approfondir considérablement les différentes mécaniques du jeu. Quelques options en plus lors des combats ou pour les explorations des palais avec des munitions qui se rechargent toutes seules, un grappin qui permet de prendre les ennemis par surprise et des attaques en duo particulièrement bienvenues. Tout est fait pour effectivement faciliter l’expérience du joueur qui découvre de nombreuses nouvelles manières d’augmenter ses stats, de dégotter des pièces d’équipement inédites et d’accéder à des techniques exclusives, en profitant du temps supplémentaire alloué pour tisser des relations avec ses camarades d’aventure et en découvrant les nouveaux commerces et activité du quartier de Kichijoji. D’ailleurs, les développeurs en ont profité pour glisser aussi deux nouveaux confidents : Kasumi la gymnaste et Takuto Maruki conseiller psychologique, chacun représentant une nouvelle arcade et de possibles avantages pour les combats à venir. Persona 5 Royal se dote même d’un trimestre supplémentaire, certes un peu plus court que les autres, mais qui propose un palais inédit, plus corsés que les autres, mais qui vient étoffer une fois encore les thèmes passionnants de l’épisode. C’est bien entendu cette formule du jeu, et sa traduction qui est aujourd’hui enfin proposée sur Switch, avec au passage une tripotées de costumes, objets et accessoires qui n’étaient autrefois disponible qu’en DLC payants. Une bonne nouvelle ne venant jamais seul, le portage du titre sur la machine de Nintendo a été admirablement négocié avec un traitement très proche de la PS4 (ou déjà la direction artistique primait) et une baisse de définition logique en mode portable mais qui ne s’accompagne d’aucun ralentissement ou autre souci d’affichage. Épreuve réussie.