THE GLORIOUS ASUKA GANG ! & LET HIM REST IN PEACE
花のあすか組! , 友よ、静かに瞑れ – Japon – 1988, 1985
Support : Bluray
Genre : Science-Fiction, Action, Thriller
Réalisateur : Yoichi Sai
Acteurs : Miho Tsumiki, Yôko Kikuchi, Kumiko Takeda, Tatsuya Fuji, Mitsuko Baishô, Yoshio Harada…
Musique : Masahide Sakuma, Shigeru Umebayashi
Image : 1.85 16/9
Son : Japonais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 98 et 103 minutes
Éditeur : Spectrum Films
Date de sortie : 28 novembre 2023
LE PITCH
The glorious Asuka gang! The movie : Ancienne membre d’un des gangs se partageant le quartier de Kabukicho, Asuka est un grain de sable destructeur pour la pègre locale
Let Him Rest in Peace : Shindo un médecin raté, se rend dans une ville rurale d’Okinawa pour aider un ami d’enfance incarcéré pour des accusations suspectes qui semblent aller à l’encontre de sa nature. À son arrivée, il se heurte à une profonde méfiance de la part de la population locale et découvre que la ville est sous la poigne de fer d’une entreprise de construction soutenue par les Yakuza.
Les villes de tous les dangers
Nouveau double programme chez Spectrum Films, qui aime mettre aussi en lumière des cinéastes inédits ou obscurs pour nos contrées, consacré cette fois-ci au japonais Yoichi Sai (Blood and Bones avec Takeshi Kitano). Une adaptation d’un shojo à la sauce Blade Runner d’un coté et une virée dans une ville gangrénée par les yakuzas de l’autre : il y a effectivement une patte qui émerge.
Tout comme son ultime réalisation, Kamui le ninja solitaire, The Glorious Asuka Gang ! est l’une des œuvres d’Yoichi Sai qui a profité d’une large distribution et d’une certaine aura à la fois par son aspect de pur film d’exploitation et par ses origines manga. En l’occurrence une série très populaire en cette seconde moitié des années 80, déjà adaptée alors en dessin animé (d’autre suivront) et qui connaitra même une série live la même année. Mais ce The Movie marque une grande distance avec l’œuvre originale et propulse sont récit de sukeban (sous genre traitant de la délinquance féminine) dans un Japon d’anticipation, pré-an 2000 où Tokyo est plongé dans un chaos dépressif. Un futur né en studio, resserré, écrasant mais ultra stylisé qui ne cache certainement pas ses inspirations du coté de Blade Runner et d’Akira (le manteau rouge de l’héroine saute aux yeux), mais aussi de l’atmosphère à la fois violente et surréaliste du Walter Hill des Guerriers de la nuit et des Rues de feu. La fameuse Asuka n’y est plus vraiment une jeune lycéenne se transformant en chef de gang la nuit, mais un électron-libre qui secoue durablement ce microcosme décadent où les bandes de yakuza et les services d’ordres surarmés travaillent main dans la main (et en se marrant comme le montre l’ouverture du film) pour diffuser une nouvelle drogue dévastatrice pour la jeunesse. Film-BD qui joue de ses stéréotypes et de ses aspects les plus outrés façon animé, The Glorious Asuka Gang !, constamment embarqué par le Satisfaction des Rolling Stones, met clairement en évidence un système conçu pour maintenir le contrôle de la population et de ses nouvelles générations, et en particulier de ses représentantes féminines. Frondeuse, bagarreuse, plutôt maline et pétrie d’honneur, Asuka fait alors officie d’élément perturbateur qui, si elle ne réussit pas sa révolution, fait remonter les mauvaises odeurs à la surface. Intriguant, souvent excitant mais un peu moins convaincant dans une seconde partie qui traine un peu, le métrage semble pourtant à des kilomètres de l’univers habituel du réalisateur Yoichi Sai.
Les solitaires
Ancien assistant de Nagisa Oshima sur le fameux L’Empire des sens, ce dernier s’est surtout efforcé dans la plus grande part de sa filmographie d’explorer les mondes criminels bien réels du Japon contemporain. A l’instar de l’étonnant et fataliste Let Him Rest in Peace sorti sur les écrans trois ans plus tôt et où là aussi, les agissements d’un seul protagoniste agitent et perturbent le statuo-quo d’une ville. Non plus une mégalopole SF, mais un patelin paumé déserté, appauvri et où les commerces d’antan ont pour la plupart laissé place à des grilles fermés. En arrière-cours, une association entre une firme industrielle associée aux yakuzas s’apprête à mettre la main sur ce qu’il en reste pour un projet tout personnel. Reste alors comme seul bastion de résistance un hôtel miteux et le bar à prostitués associé et ce médecin désavoué qui vient pour aider un ami d’enfance incarcéré. Ici, la torpeur qui pouvait s’emparer de The Glorious Asuka Gang, se prête beaucoup plus à l’atmosphère délétère du film, à cette sensation de combat perdu d’avance et d’animosité généralisé. Un seul contre tous parfois aux airs de western où tous se scrutent, échangent froidement sur la perdition du monde et la puissance de l’argent, avant que la violence n’explose dans quelques séquences aussi rapides que brutales (et admirablement montées), mais sans une once de spectaculaire. Un vrai film noir moderne et un film de yakuza mélancolique qui fait inévitablement penser au cinéma à venir de Takeshi Kitano par sa contemplation désabusée, sa crudité et ses ruptures de ton. La rumeur dit d’ailleurs que l’acteur était venu saluer son copain réalisateur pendant le tournage, quelques mois seulement avant qu’il ne prenne la main sur son futur Violent Cop. Très peu connu, mais pourtant admirablement maitrisé et personnel, Let Him Rest in Peace est un peu le versant anti-commercial de The Glorious Asuka Gang ! et confirme que Yoichi Sai est certainement un auteur à redécouvrir.
Image
Encore très rare sur support HD (à priori les deux films ne sont dispo qu’au Japon), Asuka Gang et Let Him Rest in Peace nous parviennent dans d’étranges copies à la fois chaleureuses et colorées mais aussi un peu restreintes par une restauration limitée. Si le premier s’avère très propre, le second est encore régulièrement marqué par des scories de pellicules (dont une magnifique brulure de collage), et tout deux doivent souvent batailler avec une définition qui oscille entre le très convaincant en pleine lumière (ce qui est donc assez rare pour Asuka) et le beaucoup plus laiteux dans les zones sombres. Le piqué manque d’intensité et le grain de pellicule hésite régulièrement entre le rendu organique et le léger bruit vidéo. On sent ici les sources fatiguées, même s’il faut reconnaitre que les couleurs sont souvent bien tenues et que l’éditeur a fait du mieux qu’il pouvait.
Son
Inédits en France, les métrages sont donc disponibles uniquement en versions japonaises et dans des mixages DTS HD Master Audio 2.0 sobres et frontaux. Les voix sont bien claires, même si de légers chuintements peuvent survenir, mais les prestations ne manquent pas d’énergie et s’avèrent assez bien équilibrées.
Interactivité
Les deux bluray sont proposés dans un boitier double avec un fourreau cartonné et une jaquette réversible. On n’y trouve qu’un seul supplément, sur le disque d’Asuka Gang, avec une vidéo enregistrée par le spécialiste du cinéma japonais Jasper Sharp. Un essai dans lequel se dernier s’efforce de présenter succinctement la carrière du réalisateur Yoichi Sai et sa trajectoire plus personnelle (dont ses origines coréennes pas toujours bien acceptées au Japon), puis offre quelques pistes thématiques autour des deux films en présence. Cela semble un peu court, mais le cinéaste et ses deux œuvres étant inconnus, ou du moins très méconnus, par chez nous, tout est bon à prendre.
Liste des bonus
Essai vidéo de Jasper Sharp, Bandes-annonces.