SAMBIZANGA

France, Angola – 1972
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Sarah Maldoror
Acteurs : Elisa Andrade, Domingos de Oliveira, Jean M’Vondo, Adelino Nelumba, Benoît Moutsila …
Musique : Les ombres
Durée : 99 minutes
Image : 1.37 16/9
Son : Portugais DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 4 mars 2025
LE PITCH
Domingos Xavier, militant révolutionnaire angolais, est arrêté par la police secrète portugaise et emmené en prison dans la capitale, Luanda. Déterminée à retrouver son mari, Maria quitte à son tour le village, son bébé sur le dos, aidée dans sa quête par des hommes et des femmes sensibles à son histoire et à la cause de Domingos…
En marche
A l’image de sa réalisatrice Sarah Maldoror, Sambizanga est un film militant et poétique, qui plus de 50 ans après sa sortie demeure toujours aussi d’actualité et fascinant.
Il aura finalement fallu attendre le décès de Sarah Maldoror (née Ducados, elle choisit ce nom de scène en hommage à Lautréamont) en 2020 pour qu’enfin son œuvre soit réhabilitée… Après une exposition qui lui était entièrement consacrée en 2021 au Palais de Tokyo à Paris, et alors qu’une rétrospective a eu lieu en avril au Centre Culturel Georges Pompidou, Carlotta Films nous délivre ici une édition indispensable regroupant plusieurs courts-métrages et Sambizanga, son seul long-métrage « visible », les copies de Des fusils pour Banta (1971) et Velada (1975) n’ayant jamais été retrouvées… « Perdu » pendant plus de 40 ans, Sambizanga, 1er film de fiction réalisé par une femme noire en Afrique, nous plonge dans l’Angola de 1961, à l’aube d’une révolte contre le colonisateur portugais qui amènera le pays à l’indépendance en 1975. Un choix logique pour Maldoror qui après avoir été assistante de Giulio Pontecorvo sur La bataille d’Alger n’eut de cesse de mettre en lumière les velléités du peuple africain, en marche pour sa liberté (son premier court-métrage Monangambééé se déroulait déjà en Angola et Des fusils pour Banta traite du conflit en Guinée-Bissau) …et dont le « compagnon » Mario de Andrade, avec lequel elle aura deux enfants, fut le premier dirigeant du MPLA, mouvement populaire de libération de l’Angola !
Avec un budget famélique, des conditions de tournages complexes, puisque le film fut tourné dans le Congo voisin marqué par des tentatives de coups d’Etat, et un casting d’acteurs amateurs (principalement des militants congolais et angolais), Maldoror parvient à imposer sa vision. Loin d’une épopée révolutionnaire spectaculaire, elle fait le choix de l’intime en centrant le film sur Domingos, l’ouvrier militant emprisonné par le régime pour avoir distribué des tracts appelant au soulèvement, et Maria, sa femme qui, avec son enfant sur le dos, décide alors de marcher jusqu’à la prison de Luanda pour sauver son homme. Comme le disait la réalisatrice : « Dans Sambizanga, j’ai surtout voulu exprimer …le temps que l’on met à marcher. » Une marche nécessaire pour Maria, qui découvre alors la réalité de son pays, les solidarités se mettre en place…Ainsi, à l’époque de la sortie du film, cette absence de lyrisme militant valut quelques critiques au film auquel on reprochait de trop mettre l’accent sur le cheminement personnel de Maria au lieu de la lutte…
La vraie vie de Domingos Xavier
Scénarisé par Sarah Maldoror, Mario de Andrade et Maurice Pons, le film est une adaptation du livre La vraie vie de Domingos Xavier, écrit par José Luandino Viera en 1961 et qui relate les événements qui amenèrent la révolte du 4 février 1961, point de départ de la guerre d’indépendance. Emprisonné depuis 1964, l’écrivain ne découvrira le film qu’en 1975. Au contraire de la nouvelle de l’écrivain angolais qui se concentrait sur le personnage de Domingos et son parcours, Maldoror choisit de prendre le point de vue de la femme, appliquant ainsi à la lettre sa maxime qui disait que « les guerres n’aboutissent à quelque chose que si les femmes y prennent part ». La réalisatrice n’en oublie pas moins de faire un véritable pamphlet politique, la dernière partie en prison faisant de Domingos un martyr, tout en prenant soin de ne pas insister sur les scènes de torture. Les regards des soldats angolais impuissants devant les agissements de leurs « maîtres » portugais ou encore le chant funéraire qu’entonnent les prisonniers durant la toilette du cadavre de Domingos demeurent des scènes impressionnantes de maîtrise, tout comme ce bal improvisé où on célèbre la mémoire du disparu : jour de deuil et de joie avant des lendemains de lutte…
Malgré son rythme lancinant, le film ne perd jamais son spectateur en route face à l’Histoire en marche, et la direction d’acteurs impressionne surtout lorsque l’on sait que les « comédiens » ne parlaient pas tous la même langue. Loin de n’être qu’un film de propagande, Sambizanga parvient à transcender son sujet et à le rendre universel en se focalisant sur le peuple et ce beau couple sacrifié sur l’autel de la Raison d’Etat. Interdit au Portugal, le film sera surtout apprécié aux États-Unis, patrie d’un certain Martin Scorsese qui avec sa fondation World Cinema Foundation ont œuvré à la ressortie du film.
Image
Pour son retour sur les écrans, Sambizanga a eu droit à une restauration 4K opérée par l’incontournable cinémathèque de Bologne. Malgré une copie d’origine abîmée, le Master HD qui respecte le format 1.37 original est de toute beauté et délivre un grain argentique parfaitement restitué. Couleurs chatoyantes, image stable et définition impeccable.
Son
Le Master 1.0 se révèle être propre et met bien en avant les voix et la musique. A noter que d’autres langues que le portugais, le lingala et le kimbundu, sont présentes dans le film et ne sont pas sous-titrées.
Interactivité
Carlotta nous a concocté une édition luxueuse qui rend parfaitement hommage au travail de cette artiste oubliée. Le très beau Digipack, avec fourreau, nous réserve un premier bonus avec un livret de 124 pages contenant un fac-similé du numéro 720 de nos collègues de L’avant-scène cinéma qui avait sorti un dossier spécial Sarah Maldoror en février dernier. Entre les divers témoignages des collaborateurs ou des filles de Maldoror, en passant par des articles thématiques ou analytiques, une reproduction du scénario et de nombreuses photos, l’amateur sera comblé par ce superbe dossier.
Les bonus vidéo comprennent des interviews de Martin Scorsese, où le « mécène » rappelle son attachement à l’œuvre de Sarah Maldoror, et des deux filles de Sarah Maldoror qui nous en apprennet un peu plus sur le personnage.
Enfin, cerise sur le gâteau, l’éditeur nous permet de découvrir quatre courts-métrages, dont le premier de Maldoror, Monangambééé. Tous restaurés, en 4K pour Monangambééé, ces films tournés en 16 mm oscillent entre documentaire et dénonciation de la colonisation et de la torture.
Liste des bonus
Introduction de Martin Scorsese (2022, The Criterion Collection, HD, 3’11”, VOST) ; Entretien avec Annouchka de Andrade et Henda Ducados au Palais de Tokyo (2021, HD, 5’56”) ; 4 courts métrages inédits de Sarah Maldoror (HD, restauration 4K) : « Monangambééé » (1969, 1.37, N&B, 16’09”, VF et sous-titres français) ; Trilogie de carnaval (1.37, Couleurs) : « Fogo, île de feu » (1979, 33’57”) ; « À Bissau, le carnaval » (1980, 18’37”) ; « Carnaval dans le Sahel » (1979, 30’18”).