LIMONOV LA BALLADE

Limonov, the ballad of Eddie– France, Italie, Espagne – 2024
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Kirill Serenebrikov
Acteurs : Ben Whishaw, Viktoria Miroshnichenko, Tomas Arana, Corrado Invernizzi, Evgeniy Mironov, Sandrine Bonnaire…
Musique : Massimo Pupillo
Durée : 132 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais et Français DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Pathé
Date de sortie : 09 avril 2025
LE PITCH
Tout à la fois militant, révolutionnaire, dandy, voyou, majordome ou sans abri, il fut un poète enragé et belliqueux, un agitateur politique et le romancier de sa propre grandeur. La vie d’Edouard Limonov, comme une traînée de soufre, est un voyage à travers les rues agitées de Moscou et les gratte-ciels de New-York, des ruelles de Paris au cœur des geôles de Sibérie pendant la seconde moitié du XXe siècle.
Vodka Soda
Il y a des films qui ont dû avoir plus de mal à se monter que d’autres. Entrée en production à la veille de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, cette coproduction européenne sur un dissident russe a tout d’une entreprise aux odeurs sulfureuses.
Edouard Venialinovitch Savenko s’est fait un nom avec celui Édouard Limonov, patronyme plus facile à porter. Écrivain, poète, fondateur du parti national bolchevique, il roula sa bosse de Moscou à New-York en passant un temps par Paris. Dissident puis prisonnier politique, il est empêché de se présenter à l’élection présidentielle russe de 2012. Il apporte son soutien à la politique étrangère de Poutine avant de prendre ses distances avec l’invasion du Donbass. Un homme plein de paradoxes. Néanmoins, le film s’inspire d’avantage du roman d’Emmanuelle Carrère, Limonov, qui s’inspire plus des récits de l’auteur que de la biographie officielle effaçant du coup des épisodes plus tendancieux. L’invasion de la Russie en Ukraine aurait certainement donné au film une autre approche plus politisé si le film avait été tourné à ce moment.
Limonov a vécu mille vies, tenté toutes les expériences se présentant à lui. Une existence vécue jusqu’à l’excès. Difficile de pénétrer l’âme aussi versatile de ce dandy si haut perché.
Vérité trafiquée
Remplaçant l’italien Saverio Costanzo, le russe Kirill Serenebrikov s’empare de ce projet pas évident à porter à l’écran. Mais cela lui va bien. Des années que son cinéma sert de poil à gratter pour le régime de Moscou. Il avait déjà exploré l’esprit de rébellion de la jeunesse politique russe avec la vie du rocker Viktor Tsoi dans son Leto réalisé en 2018. Plus biographique (façon Carrére) use de stratège pour casser les codes des sentiers balisés par ce type d’exercice. Son film, d’emblée, prend des allures de film pop et rock’n’roll. Il exploite l’image de manière intrinsèque jouant dès le début avec sa forme cinématographique. Il l’ouvre en format 1.33 noir et blanc pour passer à la couleur quand Limonov commence à libérer sa pensée ; le scope lui, émerge quand le personnage explore et comprend la vraie liberté de ses mouvements et de ses pensées. Ainsi va le film, mais ainsi va l’ennui. Les efforts sont nombreux mais il est bien difficile de s’investir dans le parcours de cet auteur imbu de lui-même qui inspire plus l’antipathie que la compassion malgré un parcours si borderline. L’acteur Ben Whishaw a la lourde charge d’incarner ce personnage contradictoire. Il se démène pour donner vie à son interprétation. Loin d’être mauvais, il a du mal à nous embarquer à ses côtés. Le Limonov du film apparaît plus comme un acteur, limite showman, que comme un dangereux opposant. Le réalisateur se sert d’archives, d’actualités avec beaucoup d’imagination pour représenter les époques et les événements politiques traversés par son personnage mais son approche visuelle l’emporte sur son contenu.
Limonov, passe finalement à côté de son sujet, il se regarde plus comme une succession de clips, de capsules temporelles de son époque. L’image de son protagoniste en perd sa ligne directrice rendant son parcours confus. A la question du Trivial Pursuit : qui est Limonov ? Pas sûr que l’on sache la bonne réponse.
Image
L’image sait être solide dans les différents types d’images utilisées. Elle s’alterne entre des images d’archives et d’actualités en respectant les textures de chacun. Tout cela s’intègre parfaitement au film donnant aux couleurs ce ton si singulier.
Son
Très bon point pour l’utilisation de la musique qui dynamise la bande-son. Riche et englobante, il n‘y a rien à redire sur l’équilibre entre les différentes pistes présentées.
Interactivité
Une très bonne conférence de presse au festival de Cannes fait l’essentiel de l’interactivité. Au jeu des questions/réponses, outre les interventions sur son film, le réalisateur n’évite pas les remarques problématiques sur son pays d’origine qu’il a dû quitter. Un exercice pas facile pour lui mais auquel il répond avec une totale franchise. Pas sûr qu’il puisse y revenir de sitôt. Ben Whishaw intervient également dans un module consacré à son approche sur du personnage qu’il avoue ne pas connaître avant la lecture du scénario.
Liste des bonus
Conférence de presse du Festival de Cannes (43’), Entretien avec Ben Whishaw (5’).