L’ÎLE DU DOCTEUR MOREAU
The Island of Dr. Moreau – Etats-Unis – 1977
Support : Bluray & DVD
Genre : Fantastique
Réalisateur : Don Taylor
Acteurs : Michael York, Burt Lancaster, Barbara Carrera, Nigel Davenport, Richard Basehart, Nick Cravat, …
Musique : Laurence Rosenthal
Durée : 98 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français et Anglais DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : ESC Editions
Date de sortie : 08 septembre 2021
LE PITCH
Seul rescapé d’un naufrage en plein océan Pacifique, Andrew Braddock échoue sur une île où le docteur Moreau, scientifique déchu par ses pairs, mène des expériences innommables, …
Mutations en chaine
Deuxième adaptation officielle du roman d’H.G. Wells, L’Île du Docteur Moreau version Don Taylor refait surface en haute définition chez ESC, treize ans après une apparition discrète au sein des Introuvables de Wild Side. Soit une opportunité en or pour redécouvrir dans des conditions optimales une excellente série B, plus fidèle à sa source que les essais l’ayant précédé ou suivi.
Produit par la Paramount et sorti sur les écrans américains à la fin de l’année 1932, Island of Lost Souls demeure le seul chef d’oeuvre de la prolifique carrière du réalisateur Erle C. Kenton. On y retrouve bel et bien le docteur Moreau, son assistant Montgomery et les horribles « humanimaux », sujets d’expériences horribles menées en toute discrétion sur une petite île du Pacifique. Mais, et comme son titre l’indique, cette adaptation se tient à bonne distance des intentions originelles de l’auteur de La guerre des mondes. Sous les traits libidineux de Charles Laughton, Moreau tient davantage du sadique et du pervers que du savant jusqu’auboutiste. En outre, Kenton replace son histoire dans un contexte plus contemporain, introduit une paire de personnages féminins et la dose d’érotisme pré-code qui va avec et mise sur un mélange assez binaire d’aventure et d’horreur. Drapé dans un noir et blanc superbe et traversé par les prestations hautes en couleur de Laughton, de Bela Lugosi et de la très féline Kathleen Burke, le métrage peut aujourd’hui se voir comme le chaînon manquant entre le Freaks de Tod Browning et Les chasses du Comte Zaroff.
Soixante-quatre ans plus tard, en 1996, c’est un John Frankenheimer en fin de carrière qui s’y colle. La femme panthère devient femme chat (c’est Fairuza Balk qui ronronne pour l’occasion) et le scénario fait à nouveau le pari de la modernisation. Mais avec davantage de fidélité aux dilemmes moraux, éthiques, philosophiques et scientifiques posés par Wells un siècle plus tôt. De belles intentions qui ne survivront pas à un tournage catastrophique (et le mot est faible) pour un résultat tout à fait indigne de son casting trois étoiles (Marlon Brando, Val Kilmer, David Thewlis).
Entre ces deux expériences cinématographiques radicalement opposées, on en oublierait presque l’application de Don Taylor et de ses scénaristes qui, sous le patronage du très bis Samuel Z. Arkoff, nous offraient la meilleure adaptation possible de L’île du Docteur Moreau. La seule, du moins, à avoir su trouver un équilibre entre l’exigence du fond et les atours d’un pulp bestial et spectaculaire.
La bête humaine
Acteur dans les années 50 avant de trouver sa vraie vocation derrière la caméra la décennie suivante, Don Taylor doit de se retrouver en charge de L’île du Docteur Moreau grâce au succès critique et public des Evadés de la planète des singes, un des meilleurs opus de la franchise qu’il réalise en 1971. De plus, cet ancien pilote de l’U.S. Air Force s’est taillé une solide réputation d’artisan solide et digne de confiance, menant ses tournages avec une discipline de fer tout en conservant une bonne entente avec ses acteurs. Pour A.I.P. qui souhaite investir davantage dans L’île du Docteur Moreau que dans ses deux précédentes adaptations de Wells (Soudain … les monstres et L’empire des fourmis géantes de Bert I. Gordon), Taylor est un choix confortable et rassurant.
Carrure toujours imposante, charisme indiscutable et charme intact, Burt Lancaster est l’atour majeur de cette nouvelle mouture. Le fringant sexagénaire compose un docteur Moreau au plus proche du personnage imaginé par H.G Wells, soit un savant cultivé et déterminé, à mille encablures des excentriques cabotins dont Hollywood nous abreuve depuis le Frankenstein de James Whale en 1931. Et Don Taylor de prendre soin d’entourer Lancaster d’un casting à la hauteur de son jeu mesuré et subtil. Nigel Davenport apporte une touche de mystère bienvenu au mercenaire alcoolique Montgomery tandis que Michael York joue de son physique si particulier pour communiquer les états d’âme d’un naufragé devenu observateur puis acteur d’expériences contre-nature. Héritage quasi-obligatoire de la version d’Erle C. Kenton, le personnage féminin qu’incarne une troublante Barbara Carrera s’élève avec bonheur bien au-delà du simple argument érotique. Maria n’est pas une simple bombe sexuelle mais bien la seule touche d’innocence dans un univers étouffant et menaçant. Elle est aussi – ironie du sort – la preuve que les travaux de Moreau ne se résument pas à une inévitable monstruosité.
Le scénario est l’autre bonne surprise de cet Île du Docteur Moreau 70’s puisqu’il a l’intelligence de replacer son intrigue à la fin de l’ère Victorienne et de nous orienter vers un troisième acte totalement inédit mais qui développe le propos du roman et où le personnage de Braddock (Michael York) finit par devenir l’ultime cobaye de Moreau, ce dernier faisant régresser le pauvre naufragé à l’état de bête humaine pleurant la perte progressive de ses souvenirs d’enfance.
Dégraissée jusqu’à l’os et aussi tranchante que les crocs d’un tigre du Bengale, la mise en image de Don Taylor mise sur l’efficacité et la crédibilité, en dépit de maquillages (signés John Chambers, autre transfuge de La planète des singes) qui ont pris un petit coup de vieux. Mais le cinéaste sait s’y prendre pour rendre sa jungle étouffante, ses monstres pathétiques et menaçants, et faire monter la tension jusqu’à un final apocalyptique et sanglant, truffé de cascades insensées où les hybrides affrontent face caméra d’authentiques fauves. Vous avez dit sauvage ?
Image
C’est à peu de choses près la même copie que celle déjà visible sur l’excellente galette US de Kino Lorber. Mais l’éditeur ne semble pas s’être contenté d’un simple réencodage et en a profité pour booster les couleurs et affiner le grain. Les scènes dans les cavernes des humanimaux ainsi qu’une poignée de plans de jungle sont encore un peu trop sombres mais la définition fait de son mieux pour un résultat global très satisfaisant.
Son
Avantage à la version original, équilibrée et percutante quand il le faut. On reste tout de même sur une stéréo très frontale mais propre, avec une belle présence du score bestial et sous haute influence de Laurence Rosenthal. La version française souffre de temps à autre de saturation, la faute à un mixage un poil trop haut.
Interactivité
Passées les réserves sur un packaging pas totalement raccord avec le ton plutôt sérieux du film, l’interactivité se révèle très généreuse. Interviewée pour l’occasion, Barbara Carrera revient sur les débuts de sa carrière et l’expérience du tournage de L’île du Docteur Moreau. L’actrice est méconnaissable mais sa bonne humeur emporte tout sur son passage. Encore plus passionnante, l’intervention de Laurent Jousse, fréquent collaborateur des pastilles cinéphiles Blow Up pour Arte TV qui ne ménage pas sa peine pour nous donner du contexte et des anecdotes en pagaille. Et le tout de se conclure par une featurette d’époque en sale état mais peu avare d’image de tournage. Par ailleurs, une section de bonus caché accessible dès le menu principal nous offre de feuilleter le comics Marvel publié dans la foulée de la sortie du film en 1977. C’est du lourd, c’est du vintage !
Liste des bonus
Présentation du film par Barbara Carrera (3 min) / « L’île des humanimaux » par Alexandre Jousse (25 min) / « Barbara Carrera : retour sur l’île », entretien exclusif par Frédéric Dieudonné et Jean-Christophe Jeauffre / Featurette d’époque : making of, interviews (9 min) / Bande-annonce / Bonus caché.