L’HOMME PRESSÉ

France, Italie – 1977
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame
Réalisateur : Édouard Molinaro
Acteurs : Alain Delon, Mireille Darc, Michel Duchaussoy, Billy Kearns, Philippe Castelli…
Musique : Carlo Rustichelli
Durée : 90 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Éditeur : Studiocanal
Date de sortie : 25 novembre 2020
LE PITCH
Pierre Niox est un homme doué d’un appétit illimité pour la vie et pour la beauté sous toutes ses formes. Il veut vivre dix existences en une et bousculer celle des autres pour leur faire partager cette rage d’exister à la puissance 1000. Il achète le domaine de ses rêves, y découvre un cloître roman ainsi que la fille de l’ex-propriétaire dont il tombe amoureux. Mais il n’a pas le temps d’aimer, en tout cas pas comme les autres et Hedwige n’est pas une femme comme les autres.
« j’suis une comète humaine »
Souvent mis de côté dans la filmographie triomphante d’Alain Delon, L’Homme pressé fut pourtant au départ un projet choyé par l’acteur et un vrai changement de registre. Un chronique excité d’un homme courant après la vie et les yeux de biche de Mireille Darc.
Certainement le roman le plus célèbre de Paul Morand, L’Homme pressé, publié en 1941 en pleine France de Vichy, ne faisait pas vraiment mystère de ses petites amitiés pétainistes. Une critique bien de droite du monde contemporain et de sa course inlassable à la vitesse, à la possession et à la conquête qui reste par cet aspect tout à fait contemporain. Pas étonnant que Jean Yanne en caressa longtemps le projet d’adaptation, ni qu’Alain Delon, véritable passionné de l’auteur (il racheta sa table de travail), réussisse quelques temps plus tard à la produire. Deux « anars de droite » comme on dit, qui se reconnaissent finalement dans ce portrait d’un homme cavalant en tous sens, ayant trop peur d’une mort à petit feu, de ne pas avoir assez vécu, assez gagné contre les autres, de ne pas s’être assez imposé. Une figure de passionné, à la fois sympathique, odieux et pathologique, dans lequel se superpose sans problème l’image public d’Alain Delon, la star ici aussi producteur du film, qui en profite pour faire un joli cadeau à sa conquête de l’époque, Mireille Darc, qu’il retrouve à l’écran trois ans après Les Seins de glace.
« Je vais vite, très vite »
C’est d’ailleurs cette dernière qui soumet à son conjoint le nom d’Édouard Molinaro avec qui elle s’était bien entendu sur Le Téléphone rose. Un réalisateur que l’on connaît surtout pour ses succès populaires et ses comédies Oscar, L’Emmerdeur ou La Cage aux folles, mais qui a toujours espéré semble-t-il s’extraire de cette étiquette. Malheureusement, outre sa mauvaise entente avec un Alain Delon écrasant par son égo surdimensionné, Molinaro peine en effet à accompagner la frénésie de ce revendeur d’art, bondissant sur chaque occasion alléchante, séduisant les femmes avec des manières bien rustres et passant d’un centre d’intérêt à l’autre. Un peu mou, trop discret là où il aurait fallu une véritable proposition pour empêcher Delon de compenser par des emportements de voix et des moulinets hystériques pas toujours convaincants. Pas vraiment un sommet dans leurs carrières respectives donc, mais un film néanmoins très agréable et plaisant essentiellement justement grâce aux rencontres épisodiques entre Delon et une Mireille Darc amusée par ces gesticulations et ces postures, donnant à L’Homme pressé de petits contours de comédie romantique, ou au moins de comédie sentimentale, aux dialogues bien ciselés par le duo Maurice Rheims / Christopher Frank. Une scène d’amour volée dans les toilettes après une lune de miel avortée, une convalescence que Niox serait prêt à faire réduire à 7 mois pour accélérer les choses, une sœur à qui il fait les yeux doux… Il faut effectivement s’accrocher pour l’aimer le bonhomme !
Fable moderne sur la vacuité d’un personnage incapable de prendre le temps d’apprécier les choses et les gens plutôt que réflexion puissante sur les dérives du monde capitalisme, L’Homme pressé s’achève bien entendu sur une petite note morale prévisible et mérité. Un petit divertissement pour deux grands acteurs.
Image
Si les copies de la collection Make My Day ! ne sont pas toujours aussi performantes qu’on l’aurait voulu (il y a eu de petits accidents), il est assez dommage que l’éditeur ne signale pas fièrement ses sources et ses restaurations lorsqu’elles sont aussi appréciables que celle de L’Homme pressé. Sans que ce soit donc explicité nulle-part, il semble que cette copie HD soit héritée d’une véritable restauration à la source, avec un rendu 2K (minimum) d’une propreté assez impressionnante. Les couleurs regagnent aussi en fermeté, même si la photographie reste assez effacée et naturellement, tandis que la définition de haute volée délivre dans presque tous les plans un piqué et une profondeur rigoureuse. Le tout avec un léger grain bien dessiné et des reflets argentiques délicats.
Son
Préservé en DTS HD Master Audio 2.0, la piste mono d’origine n’en fait pas des caisses et reste aussi stable, propre que confortable. Rien à redire.
Interactivité
Reprenant envers et contre tout le design si particulier de la collection (il y a dû pour et du contre), L’Homme pressé affiche donc un visuel très contrasté imprimé sur un digipack cartonné avec fourreau comprenant le DVD et le Bluray du film. Sur ceux-ci les suppléments sont identiques avec l’habituelle et attendue présentation du film par un Jean Baptiste Thoret, toujours aussi éloquent et efficace, qui défend la place de l’objet dans la collection. On trouve aussi quelques interviews d’époque avec un petit montage d’entretiens de 1977 de Mireille Darc, Édouard Molinaro et Michel Duchaussoy, à qui on demande finalement surtout de parler de Delon (une constante). Invité pour l’occasion, le journaliste Frédéric Taddeï, qui a plus ou moins côtoyé acteurs et réalisateur à une autre époque, aborde le film par l’angle du portait inédit d’Alain Delon et des petits cotés « autobiographiques » du film, mais se montre parfois un peu cruel avec le metteur en scène, même si on aura un peu de mal à ne pas lui donner raison.
Liste des bonus
Préface de Jean-Baptiste Thoret (10’), « L’Homme presse » revu par Frédéric Taddeï (42’), Entretien avec Mireille Darc, Édouard Molinaro et Michel Duchaussoy (1977, 13’).