LE PACTE DES LOUPS
France – 2001
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Action, Aventure
Réalisateur : Christophe Gans
Acteurs : Samuel Le Bihan, Vincent Cassel, Monica Bellucci, Emilie Dequenne, Jérémie Rennier, Mark Dacascos, Philippe Nahon, Jean Yanne, …
Musique : Joseph LoDuca
Durée : 150 minutes
Image : 2.39:1, 16/9ème
Son : Français Dolby Atmos True HD
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Éditeur : Metropolitan
Date de sortie : 21 octobre 2022
LE PITCH
Envoyés par le roi Louis XV au pays de Gévaudan pour élucider le mystère de la Bête et de ses innombrables victimes, le chevalier Grégoire de Fronsac et son frère de sang Mani, un indien rencontré en Nouvelle France pendant la guerre de sept ans, se heurtent très vite à l’hostilité de l’aristocratie locale…
Le Jour de la bête
31 janvier 2001. L’ambitieux pari du Pacte des Loups est couronné de succès par le public et on croise déjà les doigts pour que le film de Christophe Gans serve de locomotive au retour du grand cinéma populaire français, celui des années 60 et 70. Vingt ans plus tard, le cinéma hexagonal continue d’enchaîner les films d’auteurs calibrés pour les festivals et les comédies de plus en plus affligeantes tandis que Le Pacte des Loups, magnifique et éternel one-shot, s’offre une seconde jeunesse via une indispensable copie 4K.
Fin des années 90. Supervisé par l’ancien journaliste de Starfix François Cognard, le projet Canal + Ecriture donne sa chance à un script signé Stéphane Cabel qui relate l’affaire de la Bête du Gévaudan sous un angle mi-cape et épée, mi-complotiste. Complice de Mylène Farmer, réalisateur des clips de la chanteuse et du superbe long-métrage Giorgino (en 1994), Laurent Boutonnat est le premier nom sur la liste des producteurs. Voyant que ce dernier tarde à répondre, Cognard contacte son ancien collègue et ami Christophe Gans. Lequel se jette sur le projet et signe pour la réalisation en moins de 24 heures. Lorsque Boutonnat manifeste enfin son intérêt, dix jours plus tard, l’affaire lui a déjà échappé. Heureux de se remettre au travail après avoir perdu plus de trois ans sur un prequel de 20 000 Lieues sous les mers qui ne verra jamais le jour, le réalisateur de Crying Freeman a entamé sans attendre la réécriture de ce qui deviendra Le Pacte des Loups. Séduits par la cinéphilie et la passion de Gans ainsi que par son style profondément visuel, les producteurs Richard Grandpierre et Samuel Hadida peuvent se permettre de voir les choses en grand et de rêver d’un blockbuster 100% français. Alors entre les mains de Pierre Lescure, de Vivendi et du météore Jean-Marie Messier, Canal + sort le chéquier pour financer un long-métrage qui promet d’être couteux. Et en effet, minée par les conditions climatiques qui rendent extrêmement pénible et compliqué un tournage en décors naturels (du Gers aux Hautes-Pyrénées en passant par la Dordogne, la Gironde et la région parisienne), l’addition finit par s’élever à plus de 32 millions d’euros. Entre les cinq millions et des poussières d’entrées en France et des recettes à l’étranger dépassant les 70 millions de dollars, l’affaire s’avère en bout de course extrêmement profitable et le succès presque équivalent des Rivières Pourpres de Matthieu Kassovitz l’année précédente semble confirmer une tendance : une troisième voie est possible pour le cinéma français, coincé entre les héritiers de la Nouvelle Vague et des farces du terroir qui, pour une écrasante majorité, tirent le niveau de la comédie tricolore vers le bas. Entre une poignée de série B décevantes produites dans la foulée (Brocéliande, Bloody Mallory et autres souvenirs douloureux) et un Luc Besson bien décidé à faire cavalier seul pour vendre sa bouillie sur le marché de l’international, il n’en sera malheureusement rien.
Cinéma mon amour
Hier comme aujourd’hui, revoir Le Pacte des Loups peut se révéler être une expérience profondément ludique et cinéphile. Deux ans avant l’orgie de références et d’hommages du dyptique Kill Bill de l’ogre Tarantino, Christophe Gans orchestrait sans complexes une lettre d’amour totale à ses souvenirs de cinéma, à ses maîtres, à ses idoles. Mais alors que le réalisateur de Reservoir Dogs et de Pulp Fiction n’hésite pas à accumuler les ruptures de tons, de rythmes et de styles pour pouvoir caser le maximum de citations possibles au cours de la quête vengeresse d’Uma Thurman, Gans, lui, travaille avec davantage de cohérence et adapte ses pulsions de cinéphage aux besoins de l’histoire qu’il met en scène. Seul le recours aux arts martiaux par le personnage de Mani (Mark Dacascos) et l’épée hautement fantaisiste maniée par Vincent Cassel lors du combat final s’affichent comme des « anachronismes » évidents, à même de mettre à mal la suspension d’incrédulité du spectateur. Mais là encore, Gans justifie ses extravagances en mettant en avant l’exotisme suggéré par le personnage de l’indien ou la nature artisanal et organique de l’arme conçue par le maléfique Jean-François de Morangias, lequel a parcouru le monde pour se mêler aux populations autochtones. Cohérence, cohérence, cohérence.
Christophe Gans articule la construction du Pacte des Loups autour de trois inspirations majeures et explicites. La dynamique entre le chevalier Grégoire de Fronsac (Samuel Le Bihan) et Mani, leur complémentarité ainsi que la vengeance du premier à la suite de la mort tragique de son frère d’armes renvoie à La Rage du Tigre (1971) de Chang Che. De ce chef d’oeuvre séminal découlent toutes les références au cinéma asiatique qui parsèment le film, de John Woo à Tsui Hark en passant par Bruce Lee et appuyées par la collaboration du monteur David Wu et du chorégraphe et cascadeur Philip Kwok. Le caractère feuilletonnesque de l’histoire, la personnalité libertine et complexe de Grégoire de Fronsac et sa romance contrariée avec la belle Marianne de Morangias puisent pour leur part dans la saga d’Angélique, Marquise des Anges, réalisées par Bernard Borderie entre 1964 et 1968, et qui reste LA pierre angulaire du cinéma populaire français des années 60, mélange de romantisme, d’Histoire, d’aventures et d’exploitation savoureuse. Le cinéaste y trouve là la clé qui lui donne accès aux cinémas de Terence Fisher, Mario Bava, Dario Argento et même Steven Spielberg. Enfin, Le Pacte des Loups rend hommage – entre les lignes à première vue, plus frontalement pour les initiés – au Dernier des Mohicans de Michael Mann et, par extension, au roman de James Fenimore Cooper. Saisissant l’opportunité d’une intrigue se déroulant au lendemain de la Guerre de Sept Ans (1756 à 1763), Gans donne un poids historique à la présence de Mani, un indien de la tribu des Mohawk, sur le sol du Royaume de France et adopte, en filigrane, le point de vue de cet étranger qui met en lumière l’hypocrisie, le racisme et le manque de respect envers la nature d’une société soi-disant « civilisée ». Et il use de cette altérité pour s’inspirer de toute une tranche du cinéma d’aventure reposant sur un choc civilisationnel. Comme le Robin des Bois, Prince des voleurs de Kevin Reynolds où la science et les répliques bien sentis nourrissent une part du mystère et de l’humour qui entourent le personnage de Mani.
L’héritage de la bête
Croire que Le Pacte des Loups se limite à un catalogue de clins d’oeil en direction d’un public aussi boulimique de cinéma que son réalisateur, ce serait pourtant nier l’intense satisfaction que le film procure au premier degré, respectant ainsi pleinement et sans la moindre pudeur son contrat de « gros morceau de cinoche du samedi soir ». Sans trahir les fondamentaux d’une page sombre et terrifiante de l’Histoire de France, le réalisateur aligne les scènes de combat spectaculaires, développe une galerie de personnages tous plus retors et fascinants les uns que les autres, livre de la belle image en pagaille avec une photographie de Dan Laustsen et une direction artistique à tomber par terre et offre suffisamment de retournements de situations dans sa dernière bobine pour ne jamais laisser son public s’ennuyer. Sans oublier un épilogue au lyrisme foudroyant que chaque spectateur aura à cœur d’interpréter selon son humeur du moment.
Des défauts, il y en tout de même quelques-uns. Notamment un casting relativement inégal. Si Mark Dacascos, Monica Bellucci et la « vieille garde » (constituée par Jean Yanne, Jean-François Stévenin, Edith Scob, Jacques Perrin et Philippe Nahon) donnent le meilleur d’eux-mêmes et déploient des montagnes de charisme, Samuel Le Bihan, Emilie Dequenne et Vincent Cassel se montrent tout juste crédibles et atteignent vite les limites d’un jeu un peu trop maniéré. Les effets spéciaux souffrent également d’un manque d’équilibre, entre CGI primitifs et le plus souvent ratés (et que l’on rapprochera, dans un excès de bonne humeur, de l’emploi plus que naïf de l’imagerie numérique par Tsui Hark dans ses films les plus récents) et des animatroniques de toute beauté que l’on doit au Jim Henson Creature Shop. Sur le fond, le discours du Pacte des Loups sur la violence de l’obscurantisme et son opportunisme indécent, sur les manipulations d’Etat, sur le mépris de « l’autre », sur la nostalgie et sur la fin d’une époque, est plus que jamais d’actualité et le film de Christophe Gans est aussi pertinent aujourd’hui qu’il pouvait l’être il y a vingt ans.
Certes, on pourra toujours se morfondre que Christophe Gans (ou un autre, Kasso, si tu nous entends) n’ait pas pu tourner plus de films dans la même veine et qu’il se soit perdu dans une multitude de development hell – Bob Morane, Rahan, et on en passe – mais on pourra aussi toujours se consoler avec sa version sortie en 2014 de La Belle et la Bête, petit frère spirituel du Pacte des Loups et depuis déjà oublié. Une injustice de plus.
Image
Oubliez le blu-ray bien terne et décevant de 2008 qui se contentait de gonfler artificiellement la copie du DVD ! Issu d’un nouveau scan 4K et d’une restauration effectuée pour la ressortie du film sur grand écran l’été dernier, ce nouveau master qui nous arrive cet automne en UHD et Blu-Ray se permet de remettre les pendules à l’heure. D’une part, Christophe Gans en a profité pour corriger certains défauts de l’étalonnage numérique de 2001, une technologie alors balbutiante et dont les manipulations engloutissaient certains détails comme les changements de couleur des yeux de Monica Bellucci selon les scènes. D’autre part, on y retrouve les couleurs, les textures et le grain de la pellicule qui s’étaient détériorés avec le temps. Quel que soit le format de haute-définition (mais avec un léger avantage et gain pour l’UHD, surtout en termes de profondeur de champ), c’est donc une redécouverte. Les robes et autres costumes ressortent avec plus de réalisme, les flammes des torches ont retrouvé leur éclat et les incrustations numériques, toutes problématiques qu’elles puissent être par instant, s’intègrent mieux à l’ensemble. Un authentique cas d’école de restauration respectueuse et réussie, magnifiée par les nouveaux formats vidéo.
Son
Une seule piste en Dolby Atmos mais quelle piste ! La scène de combat qui marque l’arrivée de Mani et du chevalier De Fronsac sous une pluie battante au Gévaudan est un exemple de spatialisation (chaque goutte de pluie est découpée avec un soin maniaque) et d’impact acoustique avec des coups qui font vibrer le caisson de basse et remuent l’estomac. Les notes de guitare du score de Joseph Lo Duca ne sont pas en reste et les dialogues impriment une clarté retrouvée. Un mixage d’une beauté et d’une précision presque irréelle !
Interactivité
Déjà épuisé avant même le jour de sa mise en vente officielle, ce nouveau collector, digne descendant des éditions de 2001 et 2002, va se voir remplacer par trois éditions simples à compter du 9 décembre prochain, une par format (DVD, Blu-Ray, UHD). On y perdra donc les trois DVD de bonus, les planches de storyboard et de dessins et un packaging classe et cossu renfermant un steelbook. Mais que garde-t-on ? L’essentiel, serait-on tenté de dire. À savoir le film, bien entendu, deux commentaires audio d’époque d’une richesse inouïe et surtout, surtout, le seul bonus inédit de cette réédition, soit une discussion à bâtons rompus de près d’une heure et demie entre Christophe Gans et le critique et historien du cinéma Jean-Baptiste Thoret. Meilleur supplément de l’année 2022 haut la main, cet entretien réalisé dans le cadre très particulier du Musée Fragonard de Maisons-Alfort aborde la cinéphilie du réalisateur, l’accueil du film, sa restauration, le tout dans une avalanche de propos précieux, érudits et d’où se dégage un mélange de passion et de nostalgie. Indispensable, donc. Mais on saurait oublier le restant de l’interactivité, déjà bien connue, mais restituée ici dans son intégralité malgré le changement d’éditeur (Metropolitan remplace StudioCanal). Impossible de tout aborder ici sans frôler l’indigestion mais il est hautement recommandé de se jeter en priorité sur le deuxième disque puisque celui-ci contient le making-of sans filtres réalisé par Pascal Laugier (Martyrs, The Secret) et qui révèle le cauchemar d’un tournage soumis aux aléas climatiques, le clash provoqué par un Vincent Cassel sous tension ou l’impossibilité de contraindre un agneau à respecter un storyboard. Passionnant. On retrouve également toute une section de scènes coupées et de plans inutilisés qui vaut largement son pesant de cacahuètes et dont on peut retenir une version plus longue du combat d’ouverture (on y revient sans cesse, à cette maudite scène !). Le reste mélange making-of plus conventionnel mais néanmoins complémentaire, entretiens divers et variés, galerie d’image et une copie en piètre état de La Bête du Gévaudan, téléfilm très réussi mais un peu bavard de 1967 et qui a servi de source d’inspiration au scénariste et au réalisateur. On peut dire que rien ne manque !
Liste des bonus
2 commentaires audio d’époque (le réalisateur / les acteurs) / Rencontre inédite entre Christophe Gans et Jean-Baptiste Thoret (88’) / Making of (80 minutes) / Scènes coupées (36 minutes) / Clip de plans non utilisés / Interview de Michel Louis (historien) / Bandes-annonces / Filmographies / « Les entrailles de la bête » : documentaire sur le tournage (90 minutes) / Storyboard (670 dessins) / Galerie photos / Projets d’affiches et visuels / Le téléfilm de Yves-André Hubert (1967, 90 minutes) La Bête du Gévaudan (Le Tribunal de l’impossible) / Présentation du film par Christophe Gans et Michel Subiela (15 minutes) / Reportage sur la conception technique du DVD / Interview de Christophe Gans (26 minutes) / Bandes-annonces US et Canal + / Affiches US et UK / Modules Internet.