LA MAISON AUX FENÊTRES QUI RIENT
La Casa dalle finestre che ridono – Italie – 1976
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Horreur, Giallo
Réalisateur : Pupi Avati
Acteurs : Lino Capolicchio, Francesca Marciano, Gianni Cavina, Giulio Pizzirani, Bob Tonelli, Vanna Busoni…
Musique : Amedo Tommasi
Image : 1.85 16/9
Son : DTS HD Master Audio 2.0 italien et français
Sous-titres : Français
Durée : 111 minutes
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 31 juillet 2024
LE PITCH
Au début des années 1950 – Engagé afin de restaurer une fresque dans une église représentant le martyre de Saint Sébastien, Stefano se rend dans un petit village, non loin de Bologne. L’auteur de la peinture murale, atteint de folie, est mort vingt ans plus tôt, avant d’avoir pu achever son œuvre. Stefano se met alors au travail, tout en faisant connaissance avec les habitants. D’étranges incidents se produisent bientôt. Sentant que la population cache un lourd secret, Stefano mène son enquête, et se met très vite en danger.
Le secret derrière les portes
Souvent classé, et à raison, parmi les incontournables du giallo, ces fameux thrillers maniérés italiens, La Maison aux fenêtres qui rient est cependant à l’image de son titre, curieux, à part, décalé mais puissamment évocateur et obsédant. Un film comme un autre pourtant selon son auteur Pupi Avati qui avec une cinquantaine de réalisations au compteur n’a toujours pas fini d’explorer la « nature » italienne.
Les séquences « chocs » sont peu nombreuses dans La Maison aux fenêtres qui rient, film plutôt économe en effets et en sang, préférant travailler une atmosphère pesante et mortifère. Mais pour installer cette sensation de décrépitude qui ne lâchera jamais l’image, le prolifique et original Pupi Avati ouvre son métrage par un générique resté dans les mémoires dans lequel un homme visiblement nu, les bras attachés vers le haut, se fait lacérer par des coups de couteau dans un ralentis insoutenable accompagné par un étrange poème macabre («Les couleurs, mes couleurs… ») et les hurlements de la victime. L’art de la suggestion mais aussi l’art tout court puisqu’il s’agit ici de restaurer une version très particulière d’une peinture du supplice de Saint Sébastien abimée, retrouvée dans l’église d’un petit village oublié de tous. L’artiste est devenu célèbre pour ses fascinations morbides et le maire aimeraient en faire profiter sa commune. Si le cinéaste restera constamment sur ses gardes, se refusant à tomber dans les habituels excès du genre, il va pourtant bel et bien s’inscrire dans certains codes du giallo et en particulier cette fascination constante pour l’image, celles qui détient d’emblée tous les secrets qu’il faut révéler, et donc pour la mise en place de surcadres, de vastes zones d’ombres mystérieuses et angoissantes et le hors-champs.
Outre-tombes
Simple restaurateur au physique presque passe-partout Stefano (Lino Capolicchio) devient détective amateur, en quêtes d’informations sur la peinture et l’artiste tout d’abords, puis à la mort de l’un de ses amis, sur les choses les plus inavouables cachés derrière les fenêtres clos et surtout ces gênes et ces silences qui accompagnent chacune des questions. Une obsession dangereuse qui menace d’entrainer avec lui la jolie institutrice (Francesca Marciano) dont il est tombé amoureux. Un pitch classique dans le genre mais qui en s’inscrivant non pas dans l’une des principales métropoles du pays mais bien dans la province de Bologne (où le cinéaste a grandi) et durant les années 50 (au lendemain de la guerre donc) vient réveiller les fantômes honteux d’une communauté rurale et la barbarie qui se cache derrière l’imagerie jusque-là plutôt joviale et chaleureuse de la campagne italienne. Ici d’ailleurs le soleil éclatant se fait plutôt rare, hésitant constamment entre la lourde moiteur et les bourrasques de vents, toujours écrasé sous la chape d’un ciel orageux et menaçant. Un village en vase-clos, résumé à quelques rues en vieilles pierres, quelques horizons bucoliques mais souvent déviés et surtout à des demeures branlantes, quêtées par la ruine, qu’Avati aborde comme des reliquats d’une esthétique gothiques suggérée plongeant encore et toujours ses racines dans un monde ancien aux accents de magie noire. La Maison aux fenêtres qui rient peut alors prendre son temps, installer pas à pas son existence et son identité de film ensorcelé, d’œuvre cauchemar sur une lente agonie, jusqu’à sa fameuse dernière bobine terrifiante à souhait, véritable modèle du genre autant dans son implacable montée en tension que pour la mise en place de ses révélations absurdes.
On notera bien quelques ralentissements ou temps morts, mais comme son futur, et tout aussi bizarre Zeder, La Maison aux fenêtres qui rient est un film qui sent la mort, la folie et la décomposition. Inoubliable.
Image
Film culte certes, mais aussi film étrangement longtemps diffusé dans des conditions exécrables à base de copies recadrés, de transfert ternes, abimés et fatigué et de sorties DVD passables (l’édition italienne de la Fox) ou Bluray pirates. Le Chat qui fume met fin à la purge avec une restauration 4K du film effectuée à partir des négatifs et une sortie évènement dans un combo Bluray / UHD en exclusivité mondiale. The Classe. Un travail de longue haleine et qui aboutit effectivement à un résultat admirable avec des cadres incroyablement propres et stables, et une photographie qui retrouve enfin une certaine chaleur, des teintes pleines et incarnées et des scènes nocturnes stables. On pourra s’étonner d’accents jaunâtres peut-être un peu trop prononcés (mais peut-être que c’était le cas lors de la première sorti du film ?), mais on ne peut qu’apprécier la restitution vibrante et organique du grain, la définition intense et les sensations cinéma retrouvées.
Son
Pas de grandes fioritures ou d’expérimentations modernistes, les pistes monos italienne et française garde leurs sensations frontales avec des DTS HD Master Audio 2.0 bien nettoyés et stabilisés, accompagnant parfaitement l’expérience du film par une clarté constante et une intensité qui fait mouche (surtout avec la vo), en particulier durant la dernière bobine.
Interactivité
Déjà épuisé mais bientôt proposé en Bluray simple, La Maison aux fenêtres qui rient est donc proposé dans le traditionnel digipack avec fourreau cartonné. Visuel épuré, et un disque UHD qui délaisse les bonus au profit du Bluray justement. Sur ce dernier, on découvre quatre interviews inédites, plus ou moins longues, mais qui revêtent toutes un certain intérêt. Le réalisateur Pupi Avati se souvient ainsi des premiers titres du film, de son exploration de sensations et souvenirs liées à l’enfance pour nourrir le projet, de son regard sur l’horreur et les décors campagnards, mais aussi du contrecoup du sort subit par son film précédent Bordella, confisqué après deux jours de distribution. Son frère, scénariste et producteur, le rejoint sur les mêmes thèmes, mais accentue bien évidemment le propos sur les questions financières et la distribution, là où les acteurs Lino Capolicchio et Francesca Marciano vont bien entendu évoquer leurs personnages, leurs souvenirs de plateau et leurs relations, toujours chaleureuses et admiratives, avec le metteur en scène. On y parle aussi d’une époque révolue, de méthodes oubliées à grands renforts d’anecdotes.
Liste des bonus
Interview de Pupi Avati (31’), Lino Capolicchio (49’), Francesca Marciano (14’), Antonio Avati (32’), Bande-annonce.