ABYSS
The Abyss – Etats-Unis – 1989
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Science-Fiction
Réalisateur : James Cameron
Acteurs : Ed Harris, Mary Elizabeth Mastrantonio, Michael Biehn, Todd Graff, John Bedford Lloyd, J.C. Quinn…
Musique : Alan Silvestri
Image : 2.39 16/9
Son : Dolby Atmos et DTS HD Master Audio 2.0 Anglais, DTS HD HR 5.1 français et allemand
Sous-titres : Français, allemand, italien, espagnol…
Durée : 120 minutes
Editeur : 20th Century Fox
Date de sortie : 24 avril 2024
LE PITCH
Un sous-marin de l’US Navy sombre mystérieusement et l’équipage d’une base de forage pétrolière expérimentale est mobilisé afin de récupérer ses ogives nucléaires. L’un des plongeurs se retrouve lancé dans une odyssée fantastique à 8 000 mètres de profondeur, où il est confronté à une force mystérieuse qui pourrait changer le monde, ou le détruire.
Le cœur de l’océan
Dix ans avant Titanic, James Cameron plongeait déjà au fond des eaux avec le superbe Abyss. Un autre film catastrophe, une autre histoire d’amour, sans iceberg mais avec une mémorable rencontre du troisième type.
Quand après avoir transformé une série B en pré-blockbuster puissant (Terminator) et réussi à superbement trahir un film de maison fantôme dans l’espace en évocation musclée de la guerre du Vietnam (Aliens), James Cameron était devenu le nouveau roi d’Hollywood. Et il a fait ce que font tous les auteurs ayant fait leurs preuves avec fracas : une œuvre beaucoup plus personnelle, prenant à rebrousse-poil les attentes de son publics avide d’un nouvel actionner peuplé de militaires badass et de créatures belliqueuses. Dans Abyss, film catastrophe lançant une équipe spécialisée dans le forage en scaphandres sur les traces d’un sous-marin nucléaire échoué au fond des eaux, la menace vient cette fois-ci bel et bien des militaires dirigeant l’opération. Ancien héros belle-gueule de Terminator et Aliens justement, l’excellent Michael Biehn (avec moustache en prime) campe un bidasse obsédé par sa mission, totalement paranoïaque, comme un reflet direct des relents nationalistes de l’Amérique des 80’s, personnification des dangers du nucléaire (toujours entre de mauvaise mains) et des folies de la Guerre Froide, ici clairement évoquée en toile de fond. Préfigurant l’orientation pacifique et écologique des futurs Avatar, Abyss fait déjà de ses créatures étranges (superbes designs biomécaniques imaginés par Moebius) les véritables messagers d’un monde meilleurs, d’une autre voie possible dont la beauté poétique des quelques apparitions se donnent même dans les dernières minutes les airs d’un croisement lyrique entre le classique alien de Steven Spielberg et les envolées métaphysiques du 2001 de Stanley Kubrick. Toujours ambitieux, même sans (trop grosse) explosion, James Cameron aura une nouvelle fois repoussé de nombreuses craintes et limites du cinéma à grand spectacle avec Abyss, se lançant dans un tournage sous-marin dantesque, n’hésitant pas à passer des nuits entières avec les acteurs et les équipes techniques au fond du bassin gigantesque transformé pour l’occasion, mettant sa vie et celle de ses interprètes en danger.
Immersion totale
Il participe d’ailleurs à l’invention d’un nouveau système d’éclairage sous-marin, de méthodes inédites de tournage aquatique et même ouvre la voie à une petite révolution dans le monde des effets spéciaux avec la première créature entièrement en images de synthèse, qui plus est liquide, présentée à l’écran. Et les ambitions étaient tels que certaines séquences n’étant même pas finalisées à temps pour la date de sortie (des apparitions des créatures, le désormais fameux tsunami…), il fallut attendre le colossal triomphe de Terminator 2, pour que le métrage soit enfin visible dans son intégralité sur les écrans sous l’appellation Special Edition. Un esprit d’aventurier qui n’a d’équivalent que dans la précision spectaculaire de sa mise en scène, incroyablement tendue, épique sans démesure car constamment au service de ses personnages et de leurs émotions. Comme ce sera le cas pour Titanic ou Avatar, James Cameron s’appuie ouvertement sur les cannons d’un cinéma américain classique dans son opposition relativement manichéenne entre les ouvriers à la tête dure et les trois militaires embarqués, dans sa longue ouverture présentant avec économie et justesse tous les protagonistes et enjeux d’arrière-plan avant d’enchainer les rebondissements non-stop jusqu’au final, mais aussi en plaçant en point d’encrage un couple marié qui s’était perdu de vue. Ed Harris et Mary Elizabeth Mastrantonio en Mr et Mme Brigman (même si elle déteste qu’on l’appelle comme ça) qui dépassent élégamment les stéréotypes grâce à des dialogues aussi drôles que touchants… D’autant plus crédible qu’il est difficile de ne pas y voir une évocation directe des difficultés que rencontrait alors James Cameron avec son épouse, la productrice Gale Anne Hurd. C’est clairement cette histoire d’amour, peut-être plus mature et moins idéalisée que celles à venir, qui est le cœur battant du film, lui donnant son rythme, sa couleur, ses plus belles scènes de suspens et ses accents généreusement mélodramatiques… et qui naturellement va permettre de sauver le monde. Impossible d’y retenir ses larmes.
Si le film peina à se faire reconnaitre à sa sortie, et même dans sa version intégrale de 1993, il est progressivement devenu l’un des chouchous des fans du cinéaste, reconnaissant là l’une de ses œuvres sans doute les plus personnelles, les plus abouties, se revisitant aujourd’hui aussi comme le terreau vivace de deux de ses plus gros succès au box-office à venir.
Image
Le voici enfin, 20 ans après un malheureux DVD à la copie à peine passable et au format même pas compatible avec les écrans 16/9 ! Une arlésienne dont l’aboutissement n’est cependant pas aussi définitif qu’on pouvait l’espérer, puisque malgré la sortie conjointe d’un Bluray et d’une copie UHD, le nouveau master n’est malheureusement pas repassé par un scan 4K des négatifs. L’opération a été effectué à partir d’un transfert plus ancien, retravaillé (bidouillé diront certains) en utilisant les derniers outils numériques (de nombreux filtres jusqu’à l’implication d’IA) afin de « gonfler » l’affichage. Un procédé utilisé à l’identique sur Aliens et True Lies, sortis à la même date, mais un peu plus réussi ici. Le film garde encore quelques restes de textures et de matières, laisse même parfois échapper un écho de son grain initial, et l’ensemble assure une définition massive et un relief bien présent. Les couleurs sont vraiment appréciables avec un traitement HDR10 et Dolby Vision qui déploit de belles intensités et assure un large spectre de visibilité lors des scènes sombres et sous-marines. Le véritable souci ici provient de cette sensation un peu gênante de visionner une source vidéo, et non cinéma, violemment dégrainée, aux contours trop brillants et au défilement parfois curieusement trop fluide. Toujours étonnant de voir qu’un cinéaste aussi maniaque que James Cameron puisse se montrer aussi peu intéressé par la pérennité de sa vision.
Son
La modernité n’a pas que du mauvais comme le prouve l’excellente nouvelle piste sonore originale Dolby Atmos qui réussit à véritablement étoffer l’atmosphère du film, lui donner une toute nouvelle dimension immersive en travaillant avec force et finesse les atmosphères aquatiques, les échos des équipements sous-marins et la tension des musiques d’Alan Silvestri.
Les puristes peuvent cependant aussi se tourner vers la stéréo initiale, claire, fluide et frontalement dynamique, disposée en DTS HD Master Audio 2.0.
La version française elle est proposé dans un DTS HR 5.1 tout à fait convenable et efficace même si forcément légèrement plus plat et brusque.
Interactivité
Simplement auréolé d’un fourreau cartonné, l’édition évènement d’Abyss retrouve heureusement toute la générosité habituelle des productions Cameron. Un souci d’exhaustivité qui en passe par le retour des fameux nombreux cartons textuels et leurs galeries de photos de production autrefois présents sur le DVD collector.
Sur le Bluray Bonus on retrouve aussi l’excellent documentaire d’époque Under Pressure : Making the Abyss qui en près d’une heure aborde tous les sujets attendus (origines, scénarios, défis techniques, acteurs, tournages, musique…) avec de nombreuses interviews de l’équipes et de précieuses images de coulisses à la clef.
Mais comme pour Titanic, l’édition propose aussi un tout nouvel entretien avec le réalisateur James Cameron, détendu voir amusé, qui évoque à nouveaux les premières étincelles qui ont abouti au film, son choix et son travail avec le casting (et les craintes d’Ed Harris quant à son statut de « héros ») et surtout les énormes difficultés techniques rencontrées et toujours dépassées pour aboutir au film que l’on connait. Bizarrement on retrouve certains bouts de cette rencontre dans le suivant « The Legacy of The Abyss », accompagné d’autres intervenants comme le producteur Jon Landau, qui revient sur des sujets déjà largement évoqués (dans l’interview et le Making of) avant d’étendre un peu le propos sur la réception du film et sa résonance au cours des années.
Petite info au passage : attention au lancement des disques contenant le film, c’est automatiquement le montage cinéma qui débute sans passage par le menu Bluray ou UHD. Il faut ainsi stopper la lecture et opter pour Edition Special afin de visionner la véritable version du film.
Liste des bonus
Special Edition (1993, 171’), « Plongée en eaux profondes : En tête-à-tête avec James Cameron » (32’), « L’Héritage d’Abyss » : Entretiens avec l’équipe du film (24’), « Sous pression : Le Making of d’Abyss » (59’), Archives (Bonus de l’Édition Spéciale DVD de 2000, photos et textes en anglais).