RATCHED

Etats-Unis – 2019
Genre : Drame
Réalisateurs : Ryan Murphy, Nelson Cragg, Michael Uppendahl, Jessica Yu, Jennifer Lynch, Daniel Minahan
Acteurs : Sarah Paulson, Finn Wittrock, Cynthia Nixon, Jon Jon Briones, Charlie Carver, Judy Davis, Sharon Stone…
Musique : Mac Quayle
Durée : 400 minutes
Distribution : Netflix
Date de sortie : 18 septembre 2020
LE PITCH
En 1947, Mildred Ratched est engagée comme infirmière dans un hôpital psychiatrique de renom. Mais sous son impeccable apparence couve une noirceur grandissante.
Pas de printemps pour Murphy
Cocréée par Ryan Murphy et Evan Romansky, Ratched, est l’« origin story » de la jeune Mildred Ratched, l’infirmière en chef créée en 1962 par Ken Kesey dans son roman « Vol au-dessus d’un nid de coucou », et immortalisée par la comédienne Louise Fletcher dans le film de Milos Forman en 1975. Classée 5è « meilleur méchant de l’histoire » par l’American Film Institute, la « Big Nurse » est aux Etats-Unis un personnage culte. Et, on le sait, rien n’amuse plus le showrunner stakhanoviste Ryan Murphy (American Crime Story, American Horror Story) que de se saisir de figures archétypales de la culture populaire pour mieux les tordre, les retourner, et les adapter à son esthétique et à ses obsessions.
1947, notre infirmière ambitieuse (incarnée par Sarah Paulson) intègre la clinique psychiatrique pimpante du Dr Richard Hanover, médecin avant-gardiste aux techniques médicales soi-disant révolutionnaires, mais en réalité passablement douteuses. Arrive dans la clinique Edmund Tolleson, arrêté pour avoir sauvagement assassiné un groupe de prêtres. Partant de cette trame, les créateurs vont se jouer des attentes du spectateur pour offrir un spectacle galvanisant. Car si les premiers des huit épisodes de cette première saison nous jouent, telle qu’attendue, la partition d’une Mildred Ratched cruelle et machiavélique, la suite va prendre à rebours cette proposition. On n’aura donc pas à faire à la classique naissance d’une méchante, mais plutôt à l’apaisement d’une traumatisée, et même à la justification de ses actes délictueux. Un positionnement sur le fil avec lequel Murphy s’amuse. D’autant qu’il égrène son récit, comme à son habitude, de moult saillies gores. On prendra donc un malin plaisir au visionnage d’actes de cruauté divers et variés, de l’ébouillantement à la trépanation, avec en point d’orgue un épisode 3 hallucinant qui va mêler psychotropes et amputations dans un bain de sang baroque.
Série bis
Un an après la réjouissante uchronie utopique de la mini-série Hollywood (une relecture de l’âge d’or d’Hollywood où les noirs et les homosexuels auraient droit de cité) Ryan Murphy propose une nouvelle fois un discours militant assumé, et qui réussit toujours à trouver sa place dans la narration. Ainsi, et entre autres, la question de la visibilisation des lesbiennes, d’abord traitée dans une sous-intrigue liée à des patientes de la clinique, devient un arc central et passionnant de la série. Malheureusement, certaines intrigues et personnages secondaires ne sont pas traitées avec le même soin. C’est le revers de la générosité du show, de son côté « bis » : Ratched ne se refuse rien, pas même les errances scénaristiques et les citations post-modernes un peu lourdes. Ryan Murphy rend ainsi hommage au Bonnie and Clyde d’Arthur Penn dans un épisode 6 poussif tandis que des musiques de Bernard Herrmann (Les Nerfs à vif, Psychose, Vertigo) égrènent les premiers épisodes. Une coquetterie un peu gratuite en termes dramaturgiques mais plaisante, et qui a le mérite d’illustrer le tribut que paie Murphy à Hitchcock et son Vertigo, notamment via l’utilisation des couleurs.
Le showrunner (également réalisateur de deux épisodes) traite en effet l’image en coloriste, se soustrayant à toute forme de naturalisme. La série est rythmée par des propositions chromatiques radicales et éminemment psychologiques. Ainsi, le rouge, qui n’est utilisé sur aucun vêtement, est la couleur dominante du bureau du Dr Hanover. L’immense moquette écarlate crée une ambiance inconfortable, figurant les souvenirs traumatiques et sanglants avec lesquels doit vivre ce personnage. Toute la direction artistique est à l’avenant de ce décor superbe et monumental. Mention spéciale aux costumes, eux aussi très hitchcockiens, et qui sont autant d’indication de l’état mental des protagonistes.
Notons au casting la présence de la trop rare Sharon Stone dans le rôle d’une mère vengeresse, et la maîtrise magnifique de Sarah Paulson, capable d’émouvoir en un regard. Plus qu’une comédienne, l’actrice fétiche de Ryan Murphy, qui devrait passer à la réalisation avec le spin-off annoncé d’American Horror Story, forme avec lui, œuvre après œuvre, un duo créatif passionnant.