OCTOPOLIS
France – 2024
Genre : Policier, Aventure
Dessinateur : Gaétan Nocq
Scénariste : Gaétan Nocq
Nombre de pages : 280 pages
Éditeur : Daniel Maghen Editions
Date de sortie : 02 mai 2024
LE PITCH
Existe-t-il au plus profond de l’océan Pacifique une cité nommée Octopolis ? Quand Mona découvre, dans l’ordinateur de son père disparu, un fichier portant ce nom, elle décide de mener l’enquête. Ses recherches commencent dans les labos du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris et se poursuivent au large de Marseille où le mystérieux Thomas l’initie à la plongée sous-marine. Mais son enquête va l’emmener beaucoup plus loin, jusqu’à cette petite île du bout du monde.
Les grands bleus
Auteur / peintre de Les Grand Cerfs ou Le Rapport W, Gaétan Nocq invite le lecteur à une initiation à la plongée sous-marine à la rencontre des céphalopodes. Octopolis s’est aussi l’enquête de Mona qui tente de retrouver un père paléontologue disparu. C’est peut-être surtout un voyage vers des rives disparues… ou en voie de disparition.
Les premières pages s’ouvrent sur des abysses où la lumière peine à percer. Pourtant on devine au loin une pieuvre qui s’agite. Une créature tellement étrange et tellement intelligente, que certains la rangerait presque parfois dans la case des « presque aliens ». Et on va en apprendre beaucoup sur cet animal et les autres membres de sa famille élargie (comme la seiche) au cours de la lecture d’Octopolis puisque l’héroïne lit pour nous au cours des pages le manuscrit retrouvé de son père. Une étude scientifique précise, mais accessible, où se dessine surtout l’émergence d’un autre monde, comme une autre planète, sublime, sauvage et inquiétante, régie par ses propres lois naturelles. Des visions sous-marines jamais très loin du documentaire dans leurs pesanteurs et leurs cadrages, presque une lenteur imposée, mais où justement très vite le lecteur aime à se perdre. Il faut dire que les peintures composées par Gaétan Nocq sont superbes, comme des croquis de reportage qui prendrait vie, des esquisses à la gouache qui capturent parfaitement la lumière du fond des mers et les ballets des peuples aquatiques.
Sentiments profonds
La nature est forte et puissante, et comme chez Terrence Malick, l’auteur n’hésite pas à remonter brièvement à l’origine du monde, pour en souligner l’immuabilité, mais aussi son cycle constant de bouleversements et de disparitions. Une œuvre profondément écologique où se joue en arrière-plan la question de l’exploitation destructrice des fonds marins par quelques consortiums industriels, mais aussi plus largement cette mise en perspective entre les petits tracas humains et la majesté des espèces menacés. Pourtant la trame d’Octopolis se révèle relativement complexe, véritable récit policier dans lequel Mona se rend à des rendez-vous mystérieux au Muséum d’Histoire Naturelles, se fait abandonner dans une grotte sous-marine des calanques de Marseille ou débarquer sur l’île de Clipperton, dernier endroit sur terre où aurait été aperçu son géniteur, avec qui elle avait coupé les ponts depuis sept ans, à priori traqués pour ses découvertes géologiques. Jamais loin du thriller politique… mais Gaétan Nocq ne veut jamais vraiment creuser à fond ce sillon, se contentant de quelques bribes et indices, de pistes d’un album plus nerveux et tendu qui aurait pu être, préférant s’incarner dans ce cadre pour faire de la quête de l’héroïne, celle des retrouvailles avec ses racines, son passé, et surtout celui d’un père qu’elle n’a finalement jamais vraiment connu, en particulier depuis le décès de sa mère, le point d’encrage du livre.
Malgré un album graphique particulièrement volumineux (presque 300 pages ne grands format), Octopolis peut alors laisser le lecteur sur sa fin, ayant lui aussi parcouru un long chemin pour aboutir à une fin relativement ouverte où tout est très loin d’être réglé. Mais on dira alors que le voyage valait par lui-même largement le détour.