LE LIVRE DES SORCIÈRES T.1&2
魔女をまもる – Japon – 2017
Genre : Drame historique
Scénariste : Ebishi Maki
Illustrateur : Ebishi Maki
Éditeur : Glénat
Pages : 484 pages
Date de Sortie : 02 mars 2022
LE PITCH
Après avoir surmonté de multiples épreuves, Wier suit les traces de son maître Agrippa et s’installe comme médecin. Mais dans la ville où il vient d’emménager, une mort suspecte se produit. Appelé pour procéder à l’examen du cadavre, Wier va faire une découverte surprenante…
De praestigiis daemonum
Série complète en seulement trois volumes (et les deux premiers sont sortis simultanément), Le Livre des sorcières est un voyage dans le temps au cœur de l’Allemagne du XVIème siècle, dans une Europe obsédée par la chasse aux hérétiques et aux présences démoniaques, à la rencontre du médecin Jean Wier qui tentera d’opposer à la raison à l’obscurantisme.
L’Europe médiévale passionne plus que jamais les auteurs japonais, et en particulier ses aspects à la fois les plus obscures et les plus fantasques. Sous le carcan de l’église catholique, qui déjà persécutait allégement les protestants, les grands royaumes laissaient volontairement la population dans l’ignorance, préférant nourrir des croyances irraisonnées, mélange de craintes de l’église, d’obsession pour les agissements du diable et de fascination pour une magie païenne qui résoudrait tous leurs soucis coutumiers. L’époque bénie de l’inquisition et de la chasse aux sorcières, donnant lieu à l’arrestation de toute femme un peu solitaire, originale ou jalousée, qui se verra torturée jusqu’à l’abjuration puis purifier sur le bûcher. Face à cette folie généralisée qui pouvait tourner à l’hystérie collective, quelques hommes ont tenté de s’y opposer et de découvrir des explications plus rationnelles et humaines se cachant derrières mythes et rumeurs. Parmi ceux-ci, Jean Wier, élève d’Henri-Corneille Agrippa, se démarqua en abordant le problème par le biais de la maladie mentale, du désordre de l’esprit, devenant ainsi l’un des précurseurs et l’un des pères de la psychiatrie moderne. Auteure encore inédite en France, Ebishi Maki place bien entendu au centre de son manga cette affrontement profond et philosophique entre le médecin et les autorités religieuses, mais aussi face à plèbe toujours prompte à chercher vengeance et un bouc émissaire.
le même poids qu’un canard
Il va ainsi prendre, à l’instar de son mentor, directement la défense de femmes accusées de sorcellerie et s’efforcer de les innocenter grâce à la science et la logique. Un combat d’autant plus intéressant que la narratrice explore très précisément la mécanique de la peur, de sa contamination et la manière qu’elle a de s’infiltrer aussi mortellement que la peste. Cela n’empêche pas le manga d’être assez naturellement plongé dans un ésotérisme plus trouble, Jean Wier lui-même restant marqué par sa rencontre enfant avec une jeune fille à l’imagination trop débordante et qui finira décapitée sous ses yeux. Littéralement hanté par la nymphe, il garde un regard ambigu sur les pratiques folkloriques de ses concitoyens dont il affiche une très grande connaissance. Ce récit biographique et documenté, prend donc le parti de mêler à la fois la démonstration historique avec les contours d’un conte plus fantastique, voir même horrifique. En parallèle des premières années d’apprentissage du protagoniste, de sa confrontation aux ravages de la peste noire et de ses premières années de médecine, Le Livre des sorcières s’articule autant d’enquêtes plus mystérieuses servant de révélateur. La première, qui sert d’introduction, le lance ainsi sur les traces d’un loup-garou ravageant un village lointain. La seconde lui fait croiser une assassin dont la rage et les motivations la rapproche ouvertement des plus modernes serial killer.
Un mélange des genres plutôt réussi, servi par un dessin extrêmement délicat, presque trop fin au vu de l’atmosphère lourde qui peut y peser, mais qui retranscrit aussi pleinement l’ambiance de l’époque, les costumes, les décors, avec des détails d’attitudes ou de postures reprises des gravures anciennes.