Annoncé en fanfare comme la grande révolution du jeu de baston 2D, les développeurs exhibant avec une fierté non dissimulée leurs graphismes dessinés à la main "en haute définition", The King of Fighters XII sort enfin sur consoles New Gen, avec plusieurs mois de retard sur son concurrent direct Street Fighter IV. Mais en cas de calendrier plus rapproché, aurait-il tenu une seconde la comparaison ?
C'est un fait, la série des King of Fighters a quasiment apporté autant au jeu de combat que tous ses challengers réunis ; excepté bien sûr le légendaire Street Fighter, qui a tout simplement posé les bases essentielles du genre. On se souvient toutefois d'une période, entre 1996 et 2000 pour être précis, où les deux sagas étaient au coude-à-coude dans le coeur des gamers, chaque évolution (Super SF2 et ses jauges de coups spéciaux, KOF 94 et ses combats en équipe, X-Men Vs Street Fighter et ses furies combinées, KOF 99 et ses strikers, Street Fighter III et ses contres) faisant pencher la balance d'un côté, puis de l'autre. Le match aboutira à deux crossovers époustouflants, tout particulièrement un Capcom Vs SNK 2 présentant une richesse de Gameplay à en perdre la tête. Tout ceci appartient bien sûr au passé, et depuis le rachat d'une SNK agonisante par les coréens de Playmore, les plus illustres franchises de la NeoGeo ont connu un délavage pour le moins embarrassant (cf. KOF 2001), voire carrément honteux (Metal Slug 4 à 6). Alors qu'elle avait atteint, avec l'opus 2000, des sommets en termes de gameplay (choix entre divers strikers, affinage de nombreux combattants) et de cohérence artistique (les décors, très fin de siècle, nous baladaient d'entrepôts en zones portuaires délabrées), la série The King of Fighters aura mollement traversé la décennie fraîchement écoulée, s'essayant au pire à la 3D (on aura la politesse de ne pas développer) et capitalisant au mieux sur les acquis de la défunte SNK (le très correct KOF 2003). Reste que même dans ses heures les plus noires, la série faisait l'effort de respecter les codes de la baston vidéoludique, et évitait de s'aliéner un public fidèle en traficotant abusivement un univers connu depuis longtemps. C'est bien là que pêche ce douzième épisode théorique.
La série a-t-elle gagné, finalement, à passer à l'ère de la New Gen ? Négatif, et ce serait même le contraire. En termes de contenu et de gameplay, The King of Fighters XII est de très loin l'épisode le plus pauvre de la saga. Plus pauvre que l'original en fait, datant de 1994, qui pourtant ne permettait pas constituer des équipes personnalisées. Il suffit de comparer le traitement graphique des différents rounds, qui illustraient il y a quinze ans différentes heures du jour et de la nuit, un même décor présentant des ambiances et des couleurs totalement opposées durant un même match. Pas de cela ici : bien que l'environnement soit fouillé et regorge d'animations (tellement, à vrai dire, que cela parasite parfois la lisibilité ; voir plus loin), la variété est très loin de répondre présent. Et à l'heure où Street Fighter IV propose plus d'une douzaine de tableaux, la demi-douzaine de KOF XII est un peu légère. Une demi-douzaine justifiée, à vrai dire, par l'absence de boss de fin. Vous avez bien lu : pour la première fois dans l'histoire du jeu de combat, la mode Arcade ici présent se résume à une succession de cinq matchs à trois contre trois, et puis s'en va. Pas de personnage caché, pas de stage bonus, pas de climax à vous faire balancer votre manette par le balcon du dixième étage.
Avec sa vingtaine de personnages disponibles (moins que dans SF4, qui consiste en des matchs 1 contre 1 !), dont aucun réellement nouveau, le jeu est loin de rétablir la balance, d'autant que la plupart se voient amputés d'une grande partie de leurs attaques. Terry Bogart perd son fameux coup de genou sauté (apparu dans Fatal Fury 3, en 1995) et son coup de pied puissant, latéral donc à grande portée, est remplacé par une attaque frontale à courte portée. La palette de coups de Iori change quasiment du tout au tout, et Ryo se montre aussi développé que dans le premier Art of Fighting. Seul Robert Garcia parvient à relever le niveau, sa maniabilité se montrant paradoxalement plus riche qu'auparavant. Le jeu n'en est pas moins décevant dans son ensemble, tout particulièrement dans son lifting graphique tant vanté. SNK Playmore a eu tort d'attaquer Capcom sur son (sublime) traitement 3D : la 2D de KOF XII ressemble plus à un patchwork qu'à autre chose, avec ses sprites pixellisés (que l'on peut flouter dans les options... super) collés devant des décors visiblement constitués d'éléments épars. Sans compter des effets visuels et des zooms tellement envahissant et que l'on peine souvent à comprendre ce qui se passe à l'écran. Un problème que ce bon vieux King of Fighters '94, du haut de son 320x240 en 4096 couleurs, n'avait jamais rencontré...