Après avoir surpris son monde avec la très jolie adaptation du roman La Traversée du temps, le réalisateur Mamoru Hosoda réussit à s'imposer comme l'un des atouts majeurs de l'animation japonaise grâce à son nouveau film (sur un scenario original), méritant de se situer aux côtés des Gainax (Evangelion, Nadia) de la grande époque, voire des petits bijoux du studio Ghibli.
A l'heure où les réseaux sociaux envahissent la vie de tout un chacun et que Facebook devient directement le sujet d'un petit bijou de cinéma (Social Network par David Fincher), un long métrage d'animation grand public vient opérer une relecture nécessaire sur les enjeux de ces nouvelles pratiques. Reprenant de manière plus décontractée certaines thématiques du Ghost in the Shell Innocence de Mamoru Oshii (et sa scène de hacking toujours aussi tétanisante), Summer Wars imagine ainsi une IA qui provoquerait une fin du monde virtuelle en aspirant tous les avatars des connectés par simple jeu, mais risquerait par là même de plonger le monde réel dans le chaos. Illustré comme un livre d'enfants coloré et hystérique peuplé de petits personnages étranges, ce Second Life puissance 10 000 devient alors le lieu d'une bataille épique où la surenchère Pop rappelle autant le génialissime Paprika (du regretté Satoshi Kon) que l'esprit compilation de la trilogie Matrix. Un postulat on ne peut plus moderne, dans l'air du temps, qui pourtant n'apporterait rien de bien nouveau aux centaines de longs-métrages et aux milliers de pages le triturant avec le plus grand sérieux, si le nouveau film de Mamoru Hosoda (qui a débuté sur quelques commandes classique comme Digimon ou One Piece) ne le traitait pas uniquement comme une toile de fond, virtuose et jouissive certes, mais presque secondaire.
C'est que la vraie bataille se joue finalement dans la grande demeure familiale où a été invité le timide Kenji, censé se faire passer pour le petit ami de Natsuki auprès d'une fratrie on ne peut plus soudée. A la manière de son précédent et gracieux La Traversée du temps, où il usait de l'outil fantastique comme révélateur des sentiments et des hésitations de son héroïne, ici la science-fiction fait office de catalyseur pour les tiraillements que connaît cette graaande famille ancestrale : l'acceptation jamais digérée d'un enfant illégitime, le matriarcat trop écrasant, les soucis de communication et l'intégration nouvelle de ce jeune garçon craintif. Mais c'est surtout le deuil qui va s'avérer le tournant le plus difficile, ne pouvant être dépassé que par le resserrage des liens déjà existants et l'émulsion autour d'un projet commun : battre l'IA et sauver le monde (qui par une extension sans doute un peu trop appuyée devient lui-même une graaaaande « famille »). On reconnaît alors toute la surenchère propre à l'animation nippone, entre flots de larmes, rires et grands sentiments, mais celle-ci est constamment tempérée par une mise en scène gracile, l'expressivité des animations et surtout la justesse des sentiments des personnages, approchant de manière surprenante la maturité d'un Ozu. Grandiose, touchant et enthousiasmant, Summer Wars ne confronte jamais réel et virtuel comme nombre de créations modernes, mais les marient avec élégance pour en révéler la plus jolie des humanités.




