Edité en 2016 par Glénat mais concocté par l'équipe de Pulse, le riche ouvrage Brigitte Lahaie : Les Films de culte avait fait sensation. Désormais disponible en anglais, il se voit aussi accompagné d'un Bluray (vendu séparément) compilant quelques curiosités autour de l'actrice et réunissant deux opus rarissimes signés par le roi de l'exploitation Jess Franco : le barbouze Dark Mission et surtout le drame érotique Je brûle de partout.
Auteur de plus de 200 cents longs métrages et grand amateur d'érotisme cinématographique, d'exploitation fricotant plus ou moins ouvertement avec la pornographie, Jess Franco se devait naturellement de croiser un jour le chemin de Brigitte Lahaie, la star du X français de l'époque, qui justement a toujours affiché l'ambition d'accéder à une carrière plus « respectable ». Si leur collaboration la plus célèbre reste bien entendu Les Prédateur de la nuit, grosse production René Château avec Helmut Berger et Telly Savalas, on retrouve l'actrice au générique de deux autres opus du monsieur, réunis ici pour votre plus grand plaisir.
A commencer par l'étonnant Je Brûle de partout, classé X en 1979 en France par la commission de censure, mais qui pourtant n'est pas un film pornographique à proprement dit, même s'il s'amuse sadiquement à jouer avec les limites. Les scènes de sexe s'avèrent ainsi plutôt crues, les corps sont montrés frontalement (vulves et pénis compris) et il semble évident que quelques actes, souvent effectués par des personnages secondaires, ne sont pas totalement simulés. Excitant ? Pas franchement car malgré son titre aguicheur, Je Brûle de partout raconte le destin sordide d'une pauvre adolescente, vierge et innocente, séduite par un couple de manipulateurs pervers qui en profitent une nuit avant de la revendre à un réseau de traite des blanches qui drogues leurs esclaves avec un étrange gaz aphrodisiaque. Pas d'humour décalé, de psychédélisme salvateur ou de fantastique pop, le récit plonge constamment dans une atmosphère trouble, gênante et glauque où les plaisirs de la chair sont salis jusqu'à terme. On reconnait ici le Jess Franco des adaptations de Sade, ou des thrillers érotiques comme Shining Sex, combinant une mise en image brute et sèche, une forme de folie contenue avec les atmosphères free jazz de l'habituel Daniel White. Touchante et fragile, la rare Susan Hemingway (Lettres d'amour d'une nonne portugaise, Deux espionnes avec un petit slip à fleurs) se fait dévorertoute crue par une Brigitte Lahaie assez convaincante en femme amorale qui finira par tomber à son tour dans le piège de ce réseau de prostitution machiavélique.
Si l'actrice ne gardera pas forcément qu'un bon souvenir du tournage, ne gouttant que peu à la frénésie de tournage de Franco et sa tentative d'enquiller avec les jours restant au compteur un second film avec la même équipe (ah quel filou ce Jess !), elle va pourtant rempiler avec celui-ci dix ans plus tard pour Dark Mission, re-titré parfois bizarrement Les Fleurs du mal. Un projet un peu plus friqué et qui se permet de transformer l'immense Christopher Lee (qui avait besoin d'argent) en vieux révolutionnaire et fidèle de Castro dans un pseudo film d'action et d'espionnage, et de placer Christopher Mitchum, second fils de et même pas avec un quart de son talent ou de son charisme, à ses trousses. Un vilain qui a de la gueule mais qui s'ennuie face à un héros mollasson et pataud dans une aventure mou du genou filmé dans une jungle étriquée avec quelques hélicoptères en stock-shot (et même pas au même format d'image). Aucun doute on est ici dans une fière production Eurociné ! On a connu Jess Franco plus inspiré (mais moins aussi) mais on peut au moins s'y amuser à profiter d'une Brigitte Lahaie toute habillée, apparaissant dans l'ombre, dirigeant la résistance locale et maniant fièrement la mitraillette contre armada de militaires et trafiquants de drogue à moustache. On se satisfait comme on peut, tant il est vrai que ce pauvre Dark Mission, Eurospy sur le tard, tient plus du nanar que du grand Bis méconnu.



