Certainement l'un des sommets de la Cannon et le parangon de la castagne selon Chuck Norris, Invasion U.S.A. symboliserait presque à lui tout seul le sens de la mesure et le progressisme (ironie) de l'ère reaganienne. Un spectacle bourrin, régressif et savoureux... à vous de choisir le degré.
Ancienne figure de série B de seconde zone dont la grande heure de gloire fut le face-à-face historique avec Bruce Lee dans La Fureur du dragon, Chuck Norris est véritablement devenu incontournable grâce aux cousins Menahem Golan et Yoram Globus, qui en font leur tête de gondole, leur icone victorieuse de l'actionner explosif. La série des Portés Disparus et des Delta Force vont faire de lui une authentique star du genre et un winner des vidéo-clubs, appuyant qui plus est au passage les relents réactionnaires d'une Amérique clamant au monde entier sa supériorité idéologique, culturelle (outch !) et militaire. Une orientation pas pour déplaire à Chuck Norris, ancien de l'US Air Force, authentique praticien des arts-martiaux, et militant républicain on ne peut plus traditionaliste. En ce sens, la Cannon va lui faire un sacré cadeau avec Invasion U.S.A. doté d'un budget considérable pour la firme (plus de 10000 dollars), un droit de regard sur le script et la production et une communication soutenue et iconisant plus que jamais le barbu avec une affiche des plus mémorables. Bien entendu pour le sujet proprement dit, les petits malins Golan / Globus sont directement allé piocher du coté de l'excellent L'Aube Rouge de John Milius, sorti l'année précédente, et contant l'invasion des Etats-Unis par une armée Nord-coréenne.
Question de corser un peu le tout, l'opus de la Cannon ne se contente pas d'une seule nation mais réunit dans un défilé de caricatures totalement assumées toutes les sales gueules répondant à l'infame appel de la menace communique : cubain (avec gros cigares), chinois, nord-coréen et russes, tous menés par un Richard Lynch vindicatif et psychotique. Leur but ? déstabiliser et anéantir l'Amérique décadente en massacrant les gentilles familles qui souhaitant fêter noël, faire exploser les églises, provoquer des émeutes raciales et annihiler l'économie libérale en ciblant les centres commerciaux et la filière du steak haché ! Aucun respect. Salauds ! Heureusement Chuck Norris, pardons Matt Hunter, veille au grain, lui qui prenait tranquille sa retraite en taquinant l'alligator, reprend la route des armes pour assouvir sa vengeance sur ce salaud de Rostov et sauver l'Amérique à lui tout seul. Retrouvant son copain Joseph Zito (Portés disparus mais aussi Le Scorpion rouge et Vendredi 13 Chapitre 4), il se transforme ici en surhomme, figure increvable et presque omnisciente qui jaillit comme par miracle là où on a besoin de lui. Etrange mélange entre le super-héros et le monstre du slasher (il hante les cauchemar de ses pires ennemis), Chuck Norris vrille aussi vers le cartoon, assenant ses catch phrases de bonhomme avec l'expressivité d'un Droopy, massacrant ses opposant à coups de lattes et de lance-roquette sans même sourciller.
Doté d'une version française particulièrement savoureuse - « Si tu te pointes encore, tu peux être sûr que tu repars avec la bite dans un Tupperware ! » - , Invasion U.S.A. est un spectacle musclé, efficace, spectaculaire, mais aussi totalement déconnecté et limite délirant dans ses excès idéologiques (Harry Calahan passerait presque pour un modérée, une petite bite) et son bodycount sans même recharger les chargeurs des Uzis. Si déjà la structure narrative n'a jamais été un impondérable à la Cannon, il semblerait que Menahem Golan serait passer dans la salle de montage pour évacuer pépère toutes les scènes d'expositions, les caractérisations des personnages et les inserts de transitions entre les différentes grandes scènes. Une autre vision du cinéma, mais qui ici dote définitivement Invasion U.S.A. d'une saveur toute particulière.



