Lourde production réimaginant le mythique Le Magicien d'Oz à l'aune de l'histoire et de la culture afro-américaine, The Wiz avait sur le papier tout pour être un véritable carton et une date dans l'histoire du la comédie musicale sur grand écran. Oui mais voilà, la route de briques jaunes est pleine de nids de poule.
Imaginé par le producteur Ken Harper et composé et écrit par Charlie Smalls, The Wiz mit certes quelques mois à s'imposer, mais il devint cependant dès 1975 le must-see des rues de Broadway. Une réécriture du célèbre univers imaginé par L. Frank Baum, mais aussi de sa très célèbre adaptation hollywoodienne, qui avait la particularité d'être entièrement interprété par des artistes noirs, mais qui surtout utilisait la célèbre trame pour retracer en filigrane les grandes lignes de l'histoire de l'émancipation des afro-américains. Un gigantesque succès, qui forcément attira les pontes d'Hollywood mais aussi la fière Motown qui avait depuis longtemps la double ambition de faire son trou dans le petit monde du cinéma et d'imposer sa plus grande star : Diana Ross. Une chanteuse de 35 ans pour incarner une petite fille, même Judy Garland ne l'avait pas osé, et The Wiz version cinéma la transforme alors en jeune institutrice de 22 ans sans être beaucoup plus convaincant. Pas franchement actrice, surjouant la moindre émotion (beaucoup de yeux larmoyants) et manquant de charisme à l'écran, Diana Ross plombe effectivement malgré elle un projet qui en définitive n'avait pas vraiment besoin de ça.
Pourtant l'entreprise s'attache aussi les bons soins de Quincy Jones qui en plus de dynamiser et secouer les compositions existantes, d'y creuser les accents funk et disco, se fend de quelques chansons supplémentaires comme Can I Go On ? Marquant d'ailleurs la rencontre historique de ce dernier avec un Michael Jackson, ici dans le costume du gentil épouvantail, en pleine émancipation, The Wiz est musicalement une vraie belle réussite avec de grandes performances vocales et des croisements surprenants entre la modernité de l'époque et des élans du musical à l'ancienne. Finalement ce qui pèche le plus dans The Wiz, ce sont les choix de son metteur en scène. Auteur de 12 hommes en colères, Serpico, Network ou Le Crime de l'Orient-Express, Sidney Lumet était pourtant une valeur sûre, grand amateur de polar et de thriller réaliste, mais aussi adepte de ce « non-style », d'une certaine discrétion dans la rugosité et l'efficacité de sa mise en scène. Peut-être empêtré dans une production lourde et un budget plus qu'imposant, peu à l'aise dans l'exercice de la comédie musicale ou inadéquate pour se connecter avec la magie surannée et colorée du matériau d'origine, il peine en effet à faire décoller l'objet, suivant avec lourdeur les chorégraphies pourtant entrainantes, enchainant tristement les tableaux musicaux sans y inscrire de l'émotion. La réalisation patine là où elle devrait emporter le spectateur, et le choix esthétique, pourtant très intéressants, de marier la réalité contemporaine du New York crasseux de la fin des 70's (le métro, les bâtiments délabrés, le quartier chaud...) avec l'univers du conte porté par les maquillages, costumes ou décors grandioses, ne fonctionne jamais vraiment, les alternances studios / extérieurs rompant inévitablement la magie.
Au passage bien trop long pour son bien, The Wiz n'est donc ni l'évènement cinématographie qu'il aurait dû être, ni le film culte qu'il aurait du devenir. Il reste cependant le témoignage intéressant d'une certaine reconquête de la culture américaine par le peuple noir (on était en pleine Blacksploitation) et surtout la démonstration de certains de leur plus grand talents de l'époque. La musique de The Wiz reste, elle, imparable.


