Enorme succès populaire du cinéma français de l'année 1979, La Guerre des polices vaudra même à Claude Brasseur un César du meilleur acteur, et participera pleinement au changement de visage du polar hexagonal, évacuant les derniers détectives héroïques pour faire place aux vrais flics de la rue. Toute une époque comme dirait l'autre.
Si les loups solitaires, souvent embringués dans des complots industriels et politiques ont clairement occupé le paysage du polar durant les années 70, l'arrivée des années 80 va changer la donner, s'approcher de plus en plus du simple flic, de son quotidien et, assez logiquement, d'un environnement entièrement en dégradé de gris. Sans atteindre la peinture de policiers ouvertement corrompus, ultra violent et se confondant de manière inquiétante avec ceux qu'ils sont censés poursuivre, La Guerre des polices commandité par la productrice Véra Belmont (Les Loulous, Légitime Violence, Bayan Ko...) lui ouvre clairement la voie en décrivant la lutte interne qui oppose la brigade territoriale et la brigade antigang, cristallisée autour de l'arrestation d'un braqueur déclaré nouvel ennemi public Numéro 1. D'un côté un toujours excellent Claude Rich servant à merveille son commissaire manipulateur, arrogant et parfaitement cynique, de l'autre Claude Brasseur, obstiné mais beaucoup plus franc, voir bourrin. Au milieu une dizaine de collaborateurs, et autant de bons seconds rôles français (Jean François Stevenin, Jean Pierre Khalfon, Rufus...) qui se tirent la bourre, multiplient les croche-pattes et les sales coups quitte à provoquer l'échec d'une arrestation, voir la mort d'un collègue. Mais si finalement le film n'ira jamais assez loin de ce côté-là, la tension est impeccablement portée par le casting, profitant d'excellent dialogues certainement peaufinés par Jean-Patrick Manchette pour offrir un mélange de véracité et de verve qui peut faire le charme des bons films français.
Peu importe alors sans doute que le scénario manque parfois d'énergie et que l'enquête croisée proprement dite ne passionne jamais vraiment, l'atmosphère des commissariats de quartiers, la dureté du métier et ses nombreux glissements vers le tabassage gratuit de suspects, les bavures, les emportements racistes et surtout les manigances politiques du système sont parfaitement dépeintes. Une quête de réalisme qui semble parfois aussi restreindre les ambitions du jeune réalisateur Robin Davis (Le Choc, Hors-la-loi) dont on sent les scènes d'action tendre vers le spectaculaire (échanges de balles, face-à-face virils, courtes poursuite véhiculées) sans jamais atteindre bien entendu l'efficacité américaine. Un film de transition en sommes, venant entamer une modernisation nécessaire du polar franchouille, La Guerre des polices est un bon petit film de genre parfois coincé entre les deux décennies. La première victime en est certainement Marlène Jobert, alors seule vraie star du film, présentée comme une vraie flic à la dure, courageuse et tenace, capable de prendre de la hauteur et de critiquer les méthodes des deux supérieurs hiérarchiques et de les alerter sur la spirale dans laquelle ils s'engouffrent, mais à laquelle le film plaque inévitablement une romance avec Brasseur et donc l'amorce d'un triangle amoureux peu convaincant et inutile. Même curiosité devant ses séquences de nus, certes très agréables à l'oeil, mais d'une gratuité bien trop voyante comme dans cette ouverture au ton plutot comique devenue la scène la plus célèbre du film. Toute une époque comme dirait l'autre.



