La collection Home Cinema de Jean-Baptiste Thoret est décidément protéiforme et souvent inattendue. Comme ces doubles programmes aux collages curieux, rattachés par quelques bribes (l'origine, le genre...) mais aussi ici par une certaine opposition. Au très Bis Le Cirque des horreurs répond ainsi le bien plus sérieux Le Jour où la terre prit feu, deux fleurons du ciné de genre british des 60's aux styles à vents contraires.
Depuis le réveil de la Hammer en 1957 avec le sanglant, macabre et en couleurs, Frankenstein s'est échappé, le cinéma anglais vit son âge d'or du cinéma d'exploitation, les studios et projets se multipliant autours des possibilités offertes par le cinéma de genre, l'horreur, le thriller ou la science-fiction. Ainsi les producteurs Robert S. Baker (futur producteur des séries Le Saint et Amicalement vôtre) et Monty Berman montent la Tempean Films qui délivrera son petit lot de sensations comme Jack l'éventreur, L'impasse aux violences et le présent Le Cirque des horreurs coproduit avec la AIP de Samuel Z. Arkoff et confié aux bons soins du plutôt discrets Sidney Hayers, téléaste productif, dont on se souviendra surtout du suivant Brûle sorcière brûle et d'excellents épisodes de Chapeau melon et bottes de cuirs. Conçu en effet comme un pur produit d'exploitation, comme une attraction pour satisfaire les foules, cette évocation très imagée du monde du cirque et des agissements criminels d'un chirurgien fou en son sein, doit forcément beaucoup à la Hammer, autant par ses orientations sanglantes, gratuitement érotiques, mais aussi par un casting largement composé d'Hammer-girls (Yvonne Romain, Yvonne Monlaur...) et une tête d'affiche, Anton Diffring qui avait déjà joué les scientifiques sadiques dans le trop méconnu L'Homme qui faisait des miracles de Terence Fisher. Sur un script plutôt léger où finalement le Dr Rossiter se contente de culbuter les jolies donzelles dont il a refait le visage avant de les éliminer de manières cruelles (et sur scène) pour peu qu'elles veuillent un peu d'indépendance, Le Cirque des horreurs enchaine allègrement et sans complexe les nudités entraperçues (en 1960 on était encore chastes) et les meurtres spectaculaires et gentiment sanglants. Un lanceur de couteaux qui rate sa cible, un ours ou des lions qui se jettent sur les dompteurs... les clients en ont pour leur argent ! Profitant du soutien d'un véritable cirque autant pour le décor que pour les numéros présentés, le film est une attraction plutôt efficace, généreuse et qui d'une certaine façon tient parfaitement ses (petites) promesses. D'autant plus agréable qu'on notera la participation courte mais remarquable du toujours excellent Donald Pleasence en propriétaire évincé et une photographie Eastmancolor à tomber signée par le fabuleux Douglas Slocombe (Freud, passions secrètes, Le Bal des vampires, les trois premiers Indiana Jones...).
Sorti sur les écrans l'année suivante, Le Jour où la terre prit feu est d'une certaine manière lui aussi un prolongement de l'école Hammer. Et même plus directement encore puisque l'excellent Val Guest y avait justement signé les petits classiques de science-fiction que sont Le Monstre, La Marque (deux adaptations sur grands écrans des aventures de Quatermass) et Le Redoutable homme des neiges. Des films beaucoup plus portés sur les facteurs humains et un certain réalisme que le simple film d'exploitation, et que Le Jour où la terre prit feu vient admirablement compléter en décrivant l'apocalypse par le regard d'un journaliste d'investigation et de l'équipe de son quotidien. Ici les Américains et les Russes (c'était en pleine Guerre Froide) n'ont rien trouvé de mieux que de procéder à des essais nucléaires le même jour et sur des zones géographiques bien trop proches, entrainant un déplacement de l'axe de la terre. Ce qui au départ n'apparait que comme quelques taches solaires et une légère hausse des températures se transforme rapidement en catastrophe planétaire et menace directement l'existence de toute vie sur la planète. Au jour le jour donc, le film de Val Guest observe l'effondrement de la civilisation, le comportement des autorités, celui des populations et scrute avec une précision redoutable (et inquiétante) les bouleversements climatiques qui frappent plus précisément le Royaume-Uni. Produit manifestement avec de tous petits moyens, l'objet rivalise alors constamment d'inventivité pour rebondir sur quelques stock-shots, pour une fois, parfaitement intégrés, pour donner corps à d'authentiques visions apocalyptiques à base de maquettes, de peintures sur verre et d'effets reconstitués en studio (la superbe séquence de la brume) mais aussi et surtout en resserrant constamment la narration à échelle humaine. Tous les personnages sont écrits avec la même rigueur que dans un drame réaliste, les dialogues sonnent justes et les acteurs sont tous formidables. Habitués du genre Edward Judd (Les Premiers hommes dans la Lune, L'île de la terreur) et Janet Munro (Darby O'Gill et les farfadets, Les Robinsons des mers du sud) s'en sortent admirablement bien, solidement épaulés il est vrai par l'imparable Leo McKern (La Malédiction, Le Lagon bleu, Ladyhawke...).
Voilà deux films qui n'ont certes clairement pas les même ambitions ni même les même moyens, financiers et artistiques, mais qui chacun à sa manière fait écho au florissant cinéma Bis anglais de l'époque. Si Le Cirque des horreurs reste un très sympathique divertissement coloré et un brin sadique, le beaucoup plus solide et puissant Le Jour où la Terre prit feu mériterait pleinement de faire partie des classiques du cinéma catastrophe. A redécouvrir impérativement.




