Film français incontournable de l'année 87, Le Grand Chemin combina le chiffre imposant de trois millions de spectateurs hexagonaux et une reconnaissance rare aux César : Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleur actrice et Meilleur Acteur. Carton plein pour une jolie comédie sur l'enfance et les drames de l'âge adulte.
Après deux comédies familiales assez sympathiques, L'Année prochaine si tout va bien (avec Thierry Lhermitte) et surtout La Smala (avec Victor Lanoux et Josiane Balasko), Jean-Loup Hubert livrait certainement avec Le Grand Chemin à la fois son film le plus populaire et le plus personnel. En effet si ce dernier fut une telle surprise en 1987, touchant droit au cœur les spectateurs et leurs gamins, officiant aussi bien parfaitement sur le divertissement transgénérationnel et la fibre nostalgique, c'est sans doute parce que tout ce qui y est raconté, scènes, situations et personnages (et même leurs noms), sont issus de la mémoire du cinéaste. Lui aussi fut envoyé en vacances dans la maison à la campagne d'un couple d'ami de sa mère qu'il n'avait jamais rencontré ; lui aussi fut accueilli par une Marcelle qui « retirait son pyjama » à un pauvre Jeannot Lapin ; lui aussi dû dépasser sa crainte première de « l'ours » Pelo ; lui aussi dû dormir face au cimetière du village et supporter les disputes nocturnes du couple ; lui aussi fit les 400 coups avec la voisine espiègle et délurée.
Une authenticité qui innerve tout le métrage et qui offre un regard rare sur la complexité de l'enfance, oscillant entre la succession de péripéties campagnardes et de petites et grosses bêtises commises loin du regard des adultes, la découverte progressive des réalités cachés par ceux-ci et la rencontre avec une nature plus présente, une approche plus franche de la vie. Cette confrontation entre le monde de la ville et la rudesse plus naturelle de la campagne de cette France des années 50, où la fracture entre les deux était encore particulièrement visibles (et on ne parle pas que des toilettes au fond du jardin), qprend alors en partie la forme du charmant récit initiatique. Mené par le bout du nez par la copine sacrément dégourdie interprétée par une inoubliable Vanessa Guedj, machine à connerie qui bouffe les scènes par sa spontanéité, Louis s'amuse, pleure, rencontre cet autre monde et grandit en observant ces étranges adultes qui laissent entrevoir cet âge à venir, plein de secrets et de non-dits. Car la grande qualité du Grand Chemin est de développer avec autant de soin les deux gosses que leur pendant adultes, Marcelle et Pello, couple en constante tension, enchainant vacheries et engueulades, tristement marqué par le décès de leur propre enfant des années plus tôt. Les dialogues sont souvent admirables dans leur mélange de drôlerie et de sous-entendus plus touchants, mais l'intensité d'interprétation d'Anémone (son plus beau rôle) et d'un Richard Bohringer tout en intériorité affirme la belle sincérité d'un Grand Chemin fait de petits riens et de beaucoup d'émotions.



