Certainement l'un des films australiens les plus célèbres dans le monde au début des années 80, Héros ou salopards et ses trois soldats mis sur la sellette par une autorité british, avait mystérieusement disparu, ou presque, des écrans français. Inédit en vidéo chez nous, l'impair est rattrapé par Rimini Editions.
Proposition étonnante dans un cinéma australien qu'on avait le plus souvent tendance à limiter à l'Ozploitation et aux batailles mécanisées dans un désert sauvage et futuriste, Breaker Morant (que l'on préfère largement à son titre français façon bis bourrin) s'intéressait de manière inédite et fine à un épisode particulier de l'histoire du pays. Un an avant le sublime Gallipoli de Peter Weir, il y était déjà question de soldats australiens sacrifiés, entrainés par l'ancien maitre anglais, et envoyés au casse-pipe sans reconnaissance réelle. Pire pour Breaker Morant et ses deux officiers, ils seront même jugés par une cour militaire pour avoir exécuté des ennemis dont un pasteur en guise de représailles. Deux seront exécutés, le plus jeunes écopera d'une incarcération à vie (il sortira finalement au bout de trois ans), mais tous trois surtout serviront de boucs émissaires aux tensions entre le Royaume-Uni et le cousin allemand, et de démonstration de bonne disposition pour s'efforcer de reprendre les pourparlers dans une guerre des Boers qui n'en finissait pas. Nous sommes au début du XXème siècle, en Afrique du sud, suivant le destin de trois soldats australiens dans un contexte politique et militaire très particulier, mais la volonté du film de ne jamais reposer sur la notion d'innocence ou culpabilité, lui prête une véritable hauteur universelle, faisant écho à des faits similaires durant la Première et la Seconde Guerre Mondiale (voir Les Sentiers de la gloire de Kubrick), au conflit au Vietnam (auquel les critiques américains firent souvent alors), voir des conflits bien plus récents.
Film de procès bien plus que de guerre, même si quelques très efficaces séquences d'action viennent relever le rythme, l'accusé restent ici la Guerre dans son horreur et son absurdité, dans sa faculté à transformer et briser les hommes, à gâcher des destins, mais aussi l'appareil militaire, si prompt à dresser sa rigidité morale pour mieux en réécrire son propre code au mépris de la vie de ses propres hommes. Un tel sujet entraine forcément un certain académisme dans la construction, alternant mécaniquement les prétoires et les flashbacks, les faux espoirs et les petits arrangements dans les salons du pouvoirs, mais le réalisateur Bruce Beresford (Miss Daisy et son chauffeur, Aux Frontières de la ville, Tendre bonheur) qui gagne ici au passage son passeport pour Hollywood, ne se laisse jamais submerger par l'émotion facile, le manichéisme ou la rigueur figée, s'appuyant avec pertinence à la fois sur l'atmosphère hors du temps de ces sublimes paysages lointains, et les prestations toute en subtilité d'excellents acteurs. Bryan Brown (F/X Effets de chocs, Cocktail, Gorille dans la brume...) et Edward Woodward (The Wicker Man, The Equalizer...) tout particulièrement, représentant l'un la fougue irrévérencieuse australienne, l'autre son honneur et d'une certaine façon sa mélancolie, qui prêtent des visages on ne peut plus humains aux évènements, jusqu'à leur exécution. Un superbe moment de plénitude brisé par les coups de feu.
Devenu culte en Australie, Breaker Morant y révéla à toute une génération un chapitre quelque peu oublié de son histoire et fit de son personnage principal un nouveau héros national. Il y a forcément quelque chose de très ironique en cela.



