Peter Cushing a nouveau en tête d'affiche d'un film de vampire ! Rien de neuf à se mettre sous les canines ? Pourtant cet étrange film d'exploitation s'efforçait de faire entrer les sempiternelles suceurs de sang dans une nouvelle modernité... déviante à souhait.
Sortis du caveau par la vénérable maison Hammer, le vampire a du plomb dans l'aile en cette fin des années 60, bousculé par une société qui a avancée sans lui et un cinéma d'horreur qui s'échappe progressivement du gothique à papa, motivé par les révolutionnaires Rosemary's Baby et La Nuit des morts-vivants. La Hammer tentera effectivement d'accentuer la charge érotique de ses productions vampires voit carrément d'envoyer le pauvre Dracula dans le swinging London, mais très modestement ce Incense for the Damned le devance largement en débarrassant les vampires de leurs oripeaux classiques : pas de longues canines, pas de crypte poussiéreuse ou de longue cape ténébreuse... Ici il aurait plutôt tendance à se balader dans le plus simple appareil, ces derniers se révélant être les adeptes d'une étrange secte, soupoudrée de quelques ingrédients sataniques certes, mais évoquant surtout les fameuses communautés où s'échappait alors une certaine jeunesse sur les chemins de Katmandou. La découverte de cette dernière se fait d'ailleurs par une longue séquence trippante, psychédélique (et gentiment clichée) avec montage kaléidoscopique, musique baba et d nombreux jeunes gens occupés à se caresser tout partout, à avaler des pilules et à partager la fumée qui ouvre les chakras. Si a l'issue de cette cérémonie une jeune femme sera bel et bien assassinée, le film de Robert Hartford-Davis (Gunn La gâchette, Coupable en permanence), grand spécialiste du cinéma d'exploitation souvent sexy, préservera une ambiguïté tout du long sur la menace supposée de ce groupe mené par une jolie gourou, Chriseis (incarnée par la starlette Imogen Hassall).
Il symbolise ainsi à la fois une certaine dépravation de la société par ses pratiques SM vampiriques pour certains et une voie libertaire presque salvatrice répondant avec brutalité au carcan de l'écrasante société anglaise pour d'autres. Le grand discours lâché violement par la première « victime » de cette créature, Richard Fountain (Patrick Mower) gendre surveillé par un Peter Cushing écrasant d'autorité, devant un parterre de sommité d'Oxford ne laisse planer que peu de doute sur le message anti-institution du film, la décrivant comme réactionnaire, misogyne, raciste et castratrice. Film couillu certainement et reflet engagé de son époque, mais aussi film d'exploitation un peu fauché et apparemment rebricolé par la production avec ajouts de quelques séquences (le fameux trip, le plan final étonnement très Hammer), qui ne manque pas de grands moments de flottements touristiques (oui la Grèce c'est très joli), frise le ridicule dans son besoin constant d'appuyer l'ambivalence et l'impuissance sexuelles de l'homme à sauver et s'y vautre largement dans une longue poursuite franchement mémorable : Un Patrick Macnee (héros de Chapeau Melon et bottes de cuirs tout de même) légèrement bedonnant mais toujours prompte à la bagarre, lancé aux trousses de la belle Chrisei pour une longue poursuite haletante à dos d'ânes... Pas Fast and Furious mais presque.
Curieux objet donc, ultra-moderne et ultra-vieillot à la fois, classieux dans son casting et complètement branque dans sa réalisation, qui forcément ne peut qu'attirer les joyeux bisseux.



