Nouvelle tentative de Sony d'exploiter à sa sauce le filon Spiderverse et de préparer, avec la finesse d'un boulet de démolition, un potentiel (à nouveau) Sinister Six, Morbius aura pour une fois mis presque tout le monde d'accord : ça ne vaut pas un pet de chauve-souris.
Peut-être encore plus que tout le reste de l'industrie cinématographique manifestement vouée à courir après le mastodonte MDCU, Sony n'a de cesse de se prendre les pieds dans le concept des univers partagés et dans la mise en place d'un réseau de personnages, vilains ou anti-héros, autour de ce brave Spidey. Les deux Amazing Spider-man pliaient déjà sous ces ambitions, les deux Venoms sont d'atroces navets d'une bêtise sans nom et même les Spider-man de Tom Holland ne sont jamais aussi bancales que lorsqu'ils se rattachent au reste de la chronologie Spidey et Marvel. Dernière victime d'une dimension uniquement commerciale, loin très loin des souvenirs des lecteurs de comics, Morbius avait pourtant un potentiel monstre avec sa figure de vilain tragique, brave scientifique maudit par sa condition, à la fois pure personnage de BD moderne et vampire « vivant » se dissimulant dans des égouts comme pour garder un pied dans sa longue tradition gothique. De cette fibre-là, il ne reste plus rien dans le film de Daniel Espinosa (Sécurité rapprochée, Life) qui opte plutôt pour une nouvelle incarnation plus urbaine, contemporaine, s'inscrivant tellement bien dans le sillon des ses modèles arachnéens dont il reprend presque à l'identique les plans de la transformation de Peter Parker et une grande part du scénario du premier Venom, le sérum remplaçant plus ou moins le fameux symbiote.
Hommage ou facilité ? C'est surtout la démarche mercantile qui ravage tout sur son passage, ne pouvant s'empêcher de coller gratuitement deux séquences génériques supplémentaires avec un Michael Keaton (alias le Vautour) qui passait par là, summum pathétique d'un cinéma façon puzzle qui se fout méchamment depuis longtemps de faire tenir les pièces entre elles. Jamais véritablement un navet, le métrage est juste trop fade, trop quelconque, trop attendu, trop anecdotique pour mériter la violence dont il a pu être victime. Esthétique passe-partout, scénario dilapidé, personnages secondaires encore une fois sacrifiés, pas une goutte de sang à l'écran... Que reste-t-il finalement à ce pauvre Morbius conchié par une grande partie de la critique et boudé par un public qui avait sans doute mieux à faire ? Quelques séquences à effets spéciaux sortent parfois du lot avec ses combats vampiriques au ralentis plutôt léchés, quelques visions pas inélégantes de la perception acoustique par ce pauvre Morbius, et deux acteurs qui s'efforcent de faire exister au mieux deux personnages peu écris. Jared Leto comme toujours habité par son personnage, ici toujours fragile malgré sa régénération vampirique, et surtout Matt Smith cabotinant avec délectation en ancien moribond dévorant sa nouvelle condition à pleine dent. Ces deux là auraient certainement mérités un plat plus copieux et sophistiqué qu'un nouveau pilote sur grand écran.


