Après 4 Mouches de velours gris et Le Parfum de la dame en noir, Mimsy Farmer revient au giallo pour Frissons d'horreur. Une nouvelle expérience aux limites même du genre pour un essai certes parfois un peu cafouilleux mais parsemé de vrais fulgurances putrides.
Révélée dans More de Barbet Schroeder, Mimsy Farmer va rapidement tourner sa carrière vers l'Europe et plus particulièrement l'Italie. Elle y interprétera certes souvent la jolie touriste américaine, ajoutant une plus-value non négligeable aux productions locales, mais elle semble aussi inspirer les réalisateurs qui lui offrent des rôles souvent troubles où sa silhouette fragile, son visage presque trop pur et délicat, est contrebalancé par des déviances troublantes qui font irrémédiablement glisser les films vers le cauchemar éprouvant. En l'occurrence quelques mois après le très déroutant mais sublime Le Parfum de la dame en noir, où déjà son corps embrassaient la morbidité environnante et était l'objet d'une fascination malade, elle enchaîne avec ce Frissons d'horreur. Une autre variation autours des codes du giallo, dont elle est bien évidement l'enjeu principal, tour à tour victime désignée et suspecte, dont les névroses éclatent à chacune de ses scènes. Une jeune étudiante en médecine légale préparant sa thèse sur la question du suicide, et qui semble avoir plus d'attirance pour les corps des cadavres que pour les plaisirs charnels. Frigide, perturbée, manifestement habitée par un complexe d'Electre loin d'avoir été réglé, elle hante littéralement un film déjà largement au bord de sa propre folie. Artisan du cinéma italien lancé par quelques comédies lourdingues en costume que seuls les Italiens supportent - genre auquel il sera obligé de revenir par la suite avec Plus Moche que Frankenstein tu meurs -, Armando Crispino aura tenté de se faire un nom en proposant des visions souvent légèrement biaisées des genres à la mode comme le western italien avec Johnny le bâtard, le film de guerre avec Commandos.
Mais il espérait surtout réussir à construire une trilogie giallesque thématique entamée avec Overtime (aka L'etrusco uccide ancore) et approfondi par le présent Machie solari. Du Giallo proprement dit, il préserve la construction en whodunit (éventé), une trame policière sur fond de chantage et d'héritage, quelques meurtres perpétrés par un criminel mystérieux, une certaine forme d'érotisme ou en tout cas une exploration frontale de la sexualité, mais il mélange tout cela avec une trame qui ressemble le plus souvent à celle d'un film d'horreur aux lisières de l'onirique. Dans une Rome écrasée par la canicule et le soleil, les suicides se multiplient comme une épidémie et donnent lieu à une ouverture transgressive et brutale montrant entre deux images d'éruptions solaires, une femme nue se trancher les veines, un homme se jeter dans le fleuve, un père se mitrailler après avoir abattu ses enfants.... La chaleur implacable, la torpeur qui pousse à la folie et à une dégénérescence dont l'héroïne se fera écho lorsqu'en pleine autopsie elle a la vision des corps abîmés la regarder, se relever et se lancer dans une simulation de coït à même le carrelage. Si la réalisation de Crispino a tendance à se perdre dans quelques cadrages et décadrages approximatifs, dans des zooms peu pertinents ou dans une austérité peu inspirée, il délivrent tout au long de Frissons d'horreur quelques séquences vraiment marquantes, jouant sur une omniprésence perverse de la mort (visite d'un musée des horreurs, photos de suicidés) et de la sexualité (soirée projection de photos de bordel, étreintes douloureuses et contraintes) dans un balais qui s'approche bien souvent des frontières du fantastique.
Si Mimsy Farmer, accompagnée des solides Barry Primus (Bertha Boxcar) et Ray Lovelock (Le Massacre des morts-vivants), incarne à merveille ce glissement de terrain perpétuel, les compositions stridentes, scandées, obsédantes d'Ennio Morricone (avec un accord qui sera largement repris des années plus tard dans The X -Files) affirment le climat très particulier de ce giallo qui ne l'est pas moins.



