Scénariste acclamé des meilleurs westerns du cycle Budd Boetticher/Randolph Scott, Burt Kennedy est aussi passé derrière la caméra, mettant ses ambitions de côté pour signer quantité de péloches anecdotiques mais néanmoins divertissantes, dont cette Vengeance du shérif qui réunit un Robert Mitchum en forme olympique et la belle Angie Dickinson. Une curiosité.
« Il était le meilleur scénariste de westerns de tous les temps ». C'est ainsi que le réalisateur Budd Boetticher décrivait Burt Kennedy. Ayant déjà signé pour La Prisonnière du désert, John Wayne, pour sa part, ne fit jamais un mystère de ses regrets d'avoir dû renoncer à Sept hommes à abattre qu'il comptait également produire. C'est dire si la plume de Kennedy, né le 3 septembre 1922 dans le Michigan, était à la fois appréciée et profondément respectée. De cette notoriété acquise durant la seconde moitié des années 50 à Hollywood, Burt Kennedy choisit d'en faire un atout pour convaincre les studios de le laisser passer à la mise en scène. Ce faisant, il renonça à l'opportunité d'accompagner, par son sens aïgu de la modernité et de la concision, un genre qui allait subir deux décennies de mutations d'ampleur. L'artiste rigoureux devint artisan passe-partout. Le box-office décevant de son premier long-métrage, L'Escadron rouge avec Robert Ryan, lui imposa de se rabattre sur le petit écran, enchaînant les épisodes (qu'il écrit le plus souvent lui-même, on ne se refait pas) de Lawman, Le Virginien, ou de Combat !. Cette dernière série, créée par Robert Altman et Robert Pirosh, lui donnant l'occasion de partager avec les téléspectateurs son expérience de vétéran décoré de la Seconde Guerre Mondiale. Du grand écran, il ne resta pas éloigné bien longtemps, réunissant John Wayne et Kirk Douglas dans le sympathique La Caravane de feu ou bien encore Rita Hayworth et Glenn Ford dans le film noir Piège au Grisbi, 20 ans après Gilda. Il emballe même une suite aux Sept Mercenaires de John Sturges, le très dispensable Le Retour des Sept. Décidément abonné aux stars, Burt Kennedy eut même le privilège de pouvoir attirer dans ses filets le grand Robert Mitchum pour deux films tournés la même année et sorties en salles à un mois d'intervalle : Un Homme fait la loi et, surtout, La Vengeance du shérif.
Adapté d'un roman nommé « Who Rides With Wyatt » du prolifique mais néanmoins peu connu Hick Allen (écrit sous le pseudonyme de Will Henry), La Vengeance du shérif tente un intrigant mélange des sensibilités. La longue scène d'ouverture en territoire mexicain braconne assez ostensiblement sur les terres du western spaghetti et de sa descendance Zapatta en mettant deux jeunes pistoleros aux prises avec un général cruel qu'ils exécutent sommairement dans un train avant de prendre la fuite vers la frontière. Sans le moindre dialogue ou presque, on y découvre, à grand renfort de gimmicks « Leonesques » (quoi de mieux que d'allumer sa cigarette en grattant son alumette sur une statue de la Sainte Vierge?), le duo formé par Robert Walker Jr. et un débutant nommé David Carradine pas encore immortalisé par la série Kung-Fu. La suite emprunte - la gravité en moins - au Dernier jour de la colère de Tonino Valerii pour narrer la relation entre un hors-la-loi débutant aux instincts violents et un vieux de la vieille dissimulant de lourds secrets derrière une attitude désabusée. De là, le long-métrage se réoriente vers des tonalités plus classiques qui évoquent immanquablement Rio Bravo et El Dorado de Howard Hawks, les rôles centraux accordés à Robert Mitchum, Angie Dickinson et une prison encerclée appuyant la comparaison.
Dommage qie la mise en scène et l'écriture de Burt Kennedy, d'une paresse flagrante, peinent à élever le tout au-dessus du niveau d'un téléfilm lambda du samedi soir. Non seulement La Vengeance du shérif est terriblement prévisible mais la caractérisation simpliste des personnages empêche le spectateur de s'investir réellement dans cette vendetta au potentiel inexploité. L'ennui n'est pourtant pas au menu grâce à l'implication d'un casting en forme olympique, du score très agréable du jazzman Shelly Manne et à l'originalité du duel final où Robert Mitchum saute sur une diligence pour dézinguer une armée de bad guys postée sur les toits de la ville avant d'abattre sa némésis. On a vu mieux mais on a aussi vu bien pire.



