Vingt ans avant The Batman de Matt Reeves, il y avait The Batman crée par Michael Goguen et Duane Capizzi, déjà motivé par une même volonté de trancher avec la vision précédente du héros de Gotham. En l'occurrence ici celle mythique de la série animée de 1992 et de ses extensions Superman, Batman Beyond et Justice League. Un style plus manga, beaucoup d'action, des riffs de guitares et un univers entièrement réinventé... Risqué.
Produit en parallèle de la dernière itération de ce que les spécialistes nomment de « Timmverse » soit l'excellente série Justice League Unlimited, The Batman avait ainsi pour vocation d'attirer un nouveau public vers les aventures du Cape Crusader. Surtout que s'annonçait pour les mois à venir un nouveau départ au cinéma sous le nom Batman Begins qui préparait lui aussi une fracture évidente avec les propositions précédentes. Retour aux premières années de Bruce Wayne, plus jeune et fougueux que précédemment, presque novice dans le costume du super-héros et que l'on découvre toujours poursuivi par une police qui le prend pour une légende urbaine. Et ces premières aventures sont tout autant l'occasion d'assister à la renaissance de nombreux personnages de son univers comics. Batgirl, une adolescente pleine d'esprit et Robin, un gamin casse-cou, n'apparaîtront respectivement que dans les saison 3 et 4, laissant toute place aux vilains de faire leur show. A l'instar du Pingouin, de Joker, de Mr Freeze, de Hugo Strange mais aussi des second couteau Firefly, Maxie Zeus, tous voient à la fois leurs origines largement réécrites et leurs apparences largement relookés. Il faut dire que dans The Batman c'est beaucoup moins l'atmosphère de film noir, les abords gothiques, qui sont mis en avant, qu'un rythme plus porté sur l'action et le mouvement.
Très inspiré par l'invasion manga et anime venu du Japon, le studio a ainsi engagé l'illustrateur Jeff Matsuda (déjà à l'œuvre sur Jackie Chan Adventures) comme directeur artistique avec un résultat plus racé, plus dynamique mais aussi parfois des plus surprenants : The Joker en rasta blanc ou Le Sphinx en pseudo star glam rock, il fallait oser ! Une orientation visuelle qui s'accompagne dans le même mouvement d'une certaine simplifications psychologique (par exemple Freeze n'est plus qu'un truand parmi d'autre et non pas le scientifique torturé par l'état de son épouse) et de prouesses physiques plus spectaculaires et largement mises en avant. Logique pour une athlète comme Catwoman, au look assez proche de celui de Darwin Cooke d'ailleurs, plus étonnant pour un Pingouin qui devient aussi bondissant que Yoda dans L'Attaque des clones. Associé à production plus numérique que jamais avec des couleurs souvent très contrastées, The Batman est effectivement un choc pour les fans de Batman The Animated Serie, mais séduit, et c'était le but, les fameux millennials. Il faut lui reconnaître, en dehors de scénarios volontairement plus simplistes (voir certain vraiment anecdotiques), une véritable efficacité au traitement, une vraie originalité aussi, et des qualités qui vont aller en se bonifiant de saison en saison, en fur et à mesure que le Batman prend véritablement ses marques et de l'autorité. L'arrivée de ses sideckicks, et de leur propres lignes narratives, vont ajouter un peu d'étoffe à l'ensemble et la dernière saison, rejoignant enfin le reste de l'univers DC après un double épisode façon World's Finest, va même délaisser la construction en one-shots pour se lancer dans une longue trame cohérente s'achevant par une confrontation épique entre la Justice League et une invasion alien. De jeune homme apprenti vigilante, Batman sera alors devenu le super-héros solide et imposant que l'on connaît. Pas si mal.



