Grandement considéré par les connaisseurs malgré une disponibilité compliquée sur le territoire français, Trauma est souvent placé aux cotés des sommets du film de maison hanté, quelques part entre La Maison du diable et Shining... Excusez du peu. Une réputation sans doute un peu trop flatteuse, mais la demeure glorieuse de Dan Curtis a tout de même de très belles fondations.
La première est celle d'un roman d'épouvante à succès mais somme toute assez classique, Notre vénérée chérie de Robert Marasco dont le romancier / scénariste William F. Nolan (créateur de L'âge de cristal, aka Logan's Run) va tirer une évocation beaucoup plus subtile en collaboration avec Dan Curtis. Créateur de la série tv culte Dark Shadows qui venait tout juste de signer le téléfilm tout aussi adulé Trilogy of Terror, celui-ci est parfaitement conscient du classicisme de la trame principale, énième revisite de la fameuse maison fantôme qui persécute une petite famille bien sous tous rapports, et s'efforce de creuser non pas les effets purement horrifiques mais bien l'atmosphère, l'étrangeté et la tension psychologique. Car ici la menace ne repose pas sur quelques émanations venues de l'au-delà mais bien sur la demeure elle-même, sublime, blanche reluisante et richement décorée, qui semble reprendre vie peu à peu au rythme des malheurs qui frappent les Rolf. Des changements lents et subtils, une mort indolente et peu démonstrative, faisant de la bâtisse victorienne une menace vampirique bien trop belle pour être honnête. Là où l'horreur à l'anglaise a habitué les spectateurs à des nuits ténébreuses et des ruines macabres, Trauma privilégie une photographie lumineuse, des filtres vaporeux presque cotonneux, plongeant les personnages dans un confort bourgeois auxquels ils n'avaient pas été habitués pour mieux les perdre. Une ambiance assez unique pour un film d'horreur qui, justement, se refuse à presque tous les artifices.
Le danger vient de la sublime piscine aux reflets brillants, d'une rotonde dans le jardin, d'une serre débordante de fleurs, de vaisselles luxueuses et de lits trop confortables qui transforment les siestes en agonie. Toujours emprunts de ce découpage et de cette mise en scène trop factuelle héritée de la télévision, Curtis réussit cependant à dépasser des cadres sobres et un découpage rigide, en jouant brillamment sur les aspérités du film donnant à quelques visions traumatiques obscures (d'où le titre français bien plus intéressant, pour une fois, que l'original, trop évident) des recrudescences obsessionnelles, ou poussant les frustrations et les obsessions de la famille invitée jusqu'au paroxysme. Le film évoque même dans un dernier sursaut le Psychose d'Hitchcock quelques minutes après avoir annoncé dans une tempête violente les délires végétaux du Evil Dead de Sam Raimi. Ce n'est d'ailleurs pas le seul film que ce Trauma a directement influencé, et les ressemblances avec le Shining de Kubrick (dont les photos témoins) sont d'une évidence frappante. Audacieux pour le moins, Trauma fait partie de cette grande mouvance de films d'horreur sophistiqués des années 70 qui pouvaient en plus se vanter d'afficher à l'écran des acteurs de haut standing comme l'immense Bette Davis (qui houspilla tout le monde sur le tournage comme il se doit), le gigantesque Oliver Reed (qui picola et multiplia les esclandres dans les tavernes voisines) et Karen Black (Easy Rider, Nashville, Gatsby le Magnifique). Une actrice alors en pleine heure de gloire qui fut la meilleur alliée du metteur en scène et maintint avec lui les murs d'une œuvre capable d'être terrifiante sous un immaculé ciel bleu d'été.



