Attendu de pied ferme sur la suite casse-gueule de Blade Runner (film culte) et une nouvelle adaptation du roman Dune (totalement culte), Denis Villeneuve fait ses premières armes en science-fiction en explorant une odyssée humaine, profonde et hypnotique. Quand un genre trouve le mot juste.
Etranges objets que ceux qui atterrissent en douze points du globe, sortes de galets géants, vaisseaux aux contours doux mais à l'ombre menaçante, et par lequel le cinéaste québécois invoque sans détour le monolithe archétypale de 2001 L'Odyssée de l'espace. Une fascination pour Stanley Kubrick qui a toujours été évidente dans la rigueur incroyable du bonhomme, poussant constamment ses films à prendre de la hauteur, comme construit autour d'un regard mathématique et froid. Cette présence est bien entendu constante dans Premier contact, certes adapté d'un roman de Ted Chiang, mais semblant surtout évoquer une réponse lointaine aux recherches métaphysiques et plastiques du cinéaste monument. L'opposition entre l'immensité et la simplicité du contact justement, la pureté des formes, les conséquences philosophiques de ce dialogue difficile... Mais ici pourtant aucun déshumanisation du propos, nulle envolée lyrique abscond, Denis Villeneuve offrant finalement un pont salutaire entre 2001 et la fable inoubliable de Steven Spielberg : Rencontre du troisième type.
Ainsi, Premier contact est une pure œuvre de SF dans ses ambitions, opaque parfois dans sa construction et terriblement ambitieuse dans ses fondements aussi bien politiques que réflectifs sur le futur de l'espèce. Mais tout comme dans Prisoners ou Sicario, la ligne brisée fait rejaillir constamment la force et l'importance naturelle des personnages. Jamais très loin des canons soit, mais Villeneuve réussit toujours à teinter ses modèles universels, avec un réalisme mélodramatique imparable. Alors, devant cette évocation entre deux civilisations séparées par l'espace et le temps, Premier contact oscille entre une métaphore ouverte sur la notion d'étranger, et le portait intime d'une mère brisée par le deuil, offrant à Amy Adams ce qui est sans doute son plus grand rôle à l'heure actuelle. Dans tous les cas, que ce soit pour la fragmentation d'un monde contemporain pourtant écrasé sur une planète plus petite que jamais, où le choix personnel d'une linguiste perdue entre passé, présent et futur (le film est construit comme un palindrome), tout peut et doit s'harmoniser par le langage et donc la communication. C'est le message finalement d'une simplicité enfantine, évidente, qu'adresse Denis Villeneuve dans ce que l'on peut qualifier de l'un des plus grands films de science-fiction de ces dernières années, marquant par l'étrangeté unique des créatures (des silhouettes animales), la sublime écriture en glyphe circulaire totalement inventée pour le film, l'amplitude sidérante de la chorégraphie visuelle, tout autant que par sa puissance émotionnelle. Grand, très grand.




