Sans doute la comédie la plus délirante et la plus lucide sur le début des années 2000, Zoolander a grappillé progressivement son petit statut de film culte (et mérité), aboutissant finalement à une suite tardive. Trop peut-être, car dans les faits cet abruti de Derek Zoolander s'est pris un sacré coup de vieux.
Souvent réduit en France à la simple figure de comique familial à succès, Ben Stiller a marqué dès le début de sa carrière de véritables ambitions artistiques, marquant son entrée dans le monde du cinéma en réalisant un étonnant et sobre Génération 90 avant d'offrir à Jim Carey l'un de ses rôles les plus détonnants dans le sous-évalué Disjoncté. Venant d'enchainer ses plus gros succès d'acteur avec Mary à tout prix, Au Nom d'Anna et surtout Mon Beau-père et moi, Stiller entend surfer sur sa reconnaissance public en signant un étrange divertissement : Zoolander, délire total dans lequel les autorités de la mode contrôlerait le monde et où simplement quelques photos et une belle gueule transformerait un crétin échappé de sa campagne en super-héros bien sapé. N'importe quoi pour sûre, mais l'analyse de la vacuité de la culture de l'apparence est brillante, acide et imparable, tout autant que la succession de gags astronomiques comme une matérialisation de la bêtise absolue (on n'est pas loin de l'autre comédie du début de millénaire, Idiocraty). Malheureusement pour le cinéaste, le film a la mauvaise idée de sortir seulement quelques jours après l'attentat traumatisant sur les tours du World Trade Center. Là franchement pour les américains, le temps n'est pas à la rigolade, et il faudra attendre une lente maturation pour que Zoolander gravisse les marches qui l'attendaient.
Du coup, cette suite prévue de longue date, débarque finalement avec quinze ans de distance, et une sensation constante de retard. Si Zoolander 2 travaille justement sur ce grand écart temporel en glissant vers un regard toujours aussi clair sur l'obsolescence du star system et dans la foulée le jeunisme lassant des médias occidentaux, mine de rien Stiller et son indécrottable larron, Owen Wilson, ont pris des rides. Les voilà donc recherchant un sens à leur vie, partagés entre la recherche de ses origines pour l'un, et des retrouvailles avec la progéniture pour l'autre, tout en espérant un retour en grâce. Dans les grandes lignes le propos est une continuation directe du premier film, mais aussi du forcené Tonnerre sous les tropiques, festival d'exacerbation de la culture de l'apparence et de l'inconséquence généralisé, mais le propos ne fait que répéter des pistes déjà abouties dans ses autres métrages. Une ultime répétition qui malheureusement peine souvent à surprendre, perdue qui plus est dans une construction éclatée à la limite de la succession de sketches inégaux. Les acteurs sont éternellement irrésistibles dans leurs postures pathétiques et leur vision du monde limitée, en vilain de comic-book foireux Will Ferrell est encore plus fou qu'avant, mais l'accumulation constante de guest balancés à toutes les sauces, de Billy Zane à Kiefer Sutherland en passant par Susan Boyle, noie l'ensemble sous une notable lourdeur. Décevant forcément, Zoolander 2 réussit pourtant régulièrement à démonter sa cible, éliminant d'entrée de jeu le vrai Justin Bieber avec férocité et connivence, tout en offrant un nouveau grand moment de roue libre à Benedict Cumberbatch en modèle trans asexuée épilé hautement fantasque. Parfois à la limite de tomber dans cet éphémère qu'il critique tant, Ben Stiller emballe heureusement son festival kitch, stupide et joyeusement ringard, avec une frénésie communicative, mais le Blue Steel a un peu perdu de son mojo.



