Bien avant qu'Hercule s'effondre sous les performances de Dwayne Johnson ou du fadasse Kellan Lutz, il était un authentique héros du cinéma italien, dérivé à toutes les sauces, prompte à toutes les batailles, et faisant même parfois appel, comme dans Le Grand défi à ses potos huilés, baraqués et forts en gueule.
C'est le plus grand défaut, mais aussi la plus belle des qualités du cinéma populaire italien : dès qu'il s'empare d'un genre, il l'épuise jusqu'à la lie, le triture dans tous les sens et le pousse jusque dans ses derniers retranchements. Dans les années 50/60 ce fut bien entendu le cas du péplum, déversant des centaines de films plus ou moins luxueux, plus ou moins honnêtes ou réussis qui dévidèrent la grande histoire antique. Reflet d'une vision toute latine d'un genre que les américains préféraient traiter comme des superproductions solennelles (Quo Vadis, Ben-Hur, Cléopâtre...) les films de héros mythologiques inscrivaient donc dans les décors de cinecitta, ses colonnes, ses temples faussement anciens et ses paysages méditerranéen, un défile de surhommes et de demi-dieux bodybuildés affrontant des empires, des créatures surnaturelles (des aliens même parfois) dans des castagnes débridées et décomplexées. Poussant cette logique jusqu'au bout, soulignant la prochaine extinction de la vague, Le Grand défi invoque non pas une légende de ce genre, mais quatre, dans une épopée relativement contenue, bisseusse et franchement rigolarde. Comment peut-il d'ailleurs en être autrement lorsqu'un scénario saugrenue les faits se percuter pour les yeux d'une belle Omphale avec un pitch prétexte à tous les excès ?
Le musculeux Alan Steele (alias Sergio Ciani), déjà tête d'affiche de nombreux épisodes, reprend la très légère toge d'Hercule mais déroge au chemin édifié par son père Zeus pour aller batifoler en Lydie. Invoquant constamment ses célèbres travaux, poussant des colères de petit garçon (gare aux murs du palais) mais forcément au coeur bon, il va croiser à terme le bon samaritain Maciste (Howard Ross), le bourrin Ursus (Yann Larvor) et même le très « ancien testament » Samson (Nadir Moretti), enjeu d'un combat qui pourrait d'ailleurs lui valoir la main de la belle Omphale. Pas de bol, ce dernier s'étant encore fait couper les cheveux par la possessive Dalila, a totalement perdu ses pouvoirs et passe son temps à fuir ! Jamais très loin de la parodie, mais préférant certainement la franche comédie, Le Grand défi est un joyeux délire, entre grosses bagarres viriles qui s'achèvent en élans de franche camaraderie, dialogues ouvertement anachroniques et jamais avares de sous-entendus crapuleux, tandis que les dieux sont dévoyés et les combats truqués. Rien n'est bien sérieux et les comparatifs de biceps font gentiment sourire (non pas de message cripto-gay... quoique), tandis que le méconnu Giorgio Capitani (on lui doit un sympathique western Chacun pour soi, disponible chez le même éditeur) emballe le tout avec beaucoup de soin, cadrages, montage et photographie léchée, comme s'il prenait en main une entreprise honnête, et que le compositeur Piero Umiliani (La Vengeance de Lady Morgan) en fait des tonnes dans les flonflons et les trompettes. C'est sans aucun doute ce contraste entre un cadre presque luxueux et la farce enfantine qui s'y déroule qui fait tout le charme de ce Grand Défi, péplum aux atours de western spaghetti, piochant parfois dans le film de vikings, mais ne tombant jamais dans le gag ou les bassesses potaches. Un vrai plaisir.



