Otomo est un nom qui fera toujours rêver les fans. Quoi qu'il fasse, malgré le semi-échec de Steamboy, malgré que personne n'ait vu son film Live Mishushi, il fera toujours fantasmer plus que de raison. Et cela grâce à un seul nom : Akira. Une Œuvre puissante mais écrasante, qui réduit son auteur à ce seul fait d'armes. Il sera toujours le créateur d'Akira et seulement. Le public sera toujours clément avec ses longs-métrages précédents, oubliant presque l'excellent Memories. Indubitablement, son capital sympathie, justifié, balaye ses projets ratés. Même s'il n'est pas la tête pensante de cette série, Freedom entre, pile-poil, dans cette catégorie, en plus d'être une gigantesque pub déguisée pour des nouilles instantanées... Ce qui n'arrange pas l'affaire.
Quand bien même Otomo, ici Character Design, n'est pas totalement à la tête de ce projet, Freedom résonne, visuellement et narrativement, comme une de ses œuvres. L'influence majeure du magazine Métal Hurlant (Moebius, Druillet, Corben etc), le goût pour la vitesse, les mégalopoles, une société totalitaire, tout est là. Son empreinte est indéniable. Sauf qu'ici, tout est décalé, reproduit assez maladroitement. Comme si l'imagerie avait été respectée à la lettre, mais que le travail scénaristique avait été négligé. Comme si le cahier des charges avait été de faire du Otomo sans Otomo, et seulement ça, au détriment du récit. Ce qui donne des situations convenues (venant d'Akira), des personnages à la limite de la crétinerie (qui peuvent ressembler à Tetsuo et Kanada), mais surtout une narration qui n'avance jamais et qui n'évite pas certains poncifs (l'histoire d'amour). Engluée, l'histoire reste au point mort. Paralysée par l'esthétique d'Otomo, elle reste à la surface, ce contentant de son pourtant très bon pitch. Même l'animation croule sur le poids de son modèle. Rigide et limitée, elle entérine l'idée que tout transpire l'univers d'Otomo. Shuhei Morita n'arrive pas à se défaire de l'apport de son aîné et pédale, littéralement, dans la semoule, ou plus précisément dans les nouilles...
Car, oui, il ne faut pas oublier que Freedom a été commandé par Nissin Food, producteur des Cup Noodles. Ce qui donne de drôles de digressions, où les personnages mangent des nouilles tout le temps, parfois même sans raison valable et souvent de façon assez voyante (gros plan, etc). Malgré l'aberration de cette technique, le placement de produits est devenu courant. Parfois il est disposé de façon plutôt discrète et intelligente, parfois non. Freedom est l'exemple parfait de cette dérive, aboutissant à une pub géante et ostentatoire. Tout le projet a littéralement été commandé par la firme pour fêter ses 30 années de léchage de doigt et de taches sur nos liquettes. Ce qui a pour effet de cannibaliser la série. Elle avait de bonne bases, de bonnes idées, un bon univers, mais la publicité l'a démastiqué. Dai Satō, scénariste de Cowboy Bebop ou de Samourai Shamploo, a beau déployer un parterre d'idées, rien n'y fait. Ces dernières sont lavées sur l'hôtel du commerce à outrance. Ce qui a pour effet d'annuler totalement le peu de revendication, de questionnement que le genre SF peut apporter au récit. Parler d'un monde de restrictions, d'utopie et de rêve tout en vendant des nouilles... C'était perdu d'avance.
Le cahier des charges est respecté : la publicité a gagné. Otomo se recycle lui-même ici, espérant retrouver sa superbe d'antan, en vain. Freedom est bien un produit de son époque.
« Très loin du révolutionnaire Akira et étrange pub géante en 7 épisodes pour des Cup Noodles certes, Freedom est pourtant une œuvre attachante combinant une animation léchée et de superbes designs dans un univers de SF moins commercial qu'il n'y paraît. Une série bizarrement expérimentale. »
4/6
Nathanaël Bouton-Drouard



