Après avoir réalisé Tron : L'héritage, Joseph Kosinski, revient avec un film de Science-fiction ambitieux adapté de la bande dessinée qu'il avait lui-même créée il y a quelques années. Soutenu depuis le début par Tom Cruise, très inspiré par le projet, Oblivion est une œuvre aussi belle qu'intelligente, regorgeant de poésie et à cent lieues des blockbusters décérébrés actuels. Tout un programme !
Infographiste de métier, Joseph Kosinski est un technicien hors pair à qui l'on a confié en 2011 la tâche un peu folle de réaliser la suite/remake du classique de Disney, Tron, mettant ainsi à profit ses talents visuels pour mettre en scène un univers virtuel ambitieux capable d'accueillir un, voire plusieurs autres récits. Malheureusement, en raison de son scénario rachitique, ce nouveau Tron se révèle être une œuvre froide et ennuyeuse structurée autour d'un univers incohérent et de personnages désincarnés, métaphores de l'univers virtuel mis en scène. Pour autant, épaulé par la superbe bande-originale des Daft Punk, le jeune cinéaste a tout de même réussi à mettre en boîte des scènes d'actions très réussies mais aussi quelques moments de poésie numérique somptueux, trahissant son envie de produire un film de science-fiction en dehors des carcans modernes, malheureusement tué dans l'œuf par la commande des studios. Toutefois, le succès public du film lui donne plus de liberté et lui permet donc de satisfaire ses désirs avec son très ambitieux deuxième film, Oblivion.
On avait pu, il y a quelques années de cela, lors de la promotion de deux des plus grands jeux de la Xbox 360, Halo 3 et Gears of War, être témoin de l'extrême sensibilité du cinéaste qui a réalisé deux pubs d'une minute chacune au souffle lyrique incroyable. Quelque peu libéré des chaines des studios, le cinéaste peut alors, avec Oblivion, renouer avec cette ampleur, cette poésie, si importante dans une œuvre de science-fiction et qui pourtant manque cruellement aux productions modernes. Adapté de la bande dessinée éponyme que le cinéaste a lui-même créée en 2010, Oblivion s'avère une œuvre audacieuse en marge des blockbusters actuels, mais qui ne serait rien sans le soutien sans faille de Tom Cruise. Très attaché au projet, l'acteur s'est en effet dès le début investi dans la production du film, offrant ainsi sa plus belle prestation depuis Minority Report et La Guerre des mondes, les deux derniers films de science-fiction de Steven Spielberg. Et toute l'équipe de production, du cinéaste aux scénaristes, le lui rendent bien tant son personnage est bien écrit, puisant dans la persona de l'acteur (son image de héros américain par excellence) pour créer une personnalité profonde, aux multiples couches, que l'intrigue et le spectateur vont gratter tout au long du film. Le personnage jouit d'ailleurs d'une telle attention que les autres paraissent un peu faiblards, sabordés par l'interprétation très sommaire, voire stéréotypée, des acteurs choisis (Olga Kurylenko, Morgan Freeman, etc.). Totalement centré autour du personnage de Jack, le film, dès le début et durant toute la première partie, prend son temps, installe une ambiance très travaillée et ancre son récit dans un monde cohérent mis en scène avec maestria par le cinéaste qui, aidé par le somptueux score de M83, use de tout son art numérique pour dégager de chaque étendue désertique une véritable poésie dépressive, presque d'une autre époque et extrêmement rafraîchissante dans ce faux blockbuster.
Pourtant, comme dans Tron, Kosinski ne se prive pas de nous servir quelques scènes d'action d'une grande efficacité. Mais, là encore ces dernières se mettent au service de l'ambiance pessimiste et de l'esthétique réaliste de cet univers science-fictionnel, comme le prouve les quelques échanges de tirs secs et angoissants entre le héros et les « chacals » dans la première partie du film, ou encore les combats aériens filmés depuis le cockpit s'attachant ainsi davantage aux réactions des personnages qu'aux explosions de drones. Mais dans Oblivion, tout ceci n'est que la surface de l'iceberg. Bientôt, le lyrisme des surfaces désertiques de cette terre futuriste laisse la place à une trame audacieuse ne laissant pas une minute de répit aux spectateurs. Particulièrement bien fournie en rebondissements et autres twists, l'intrigue pourra ainsi gêner de nombreuses personnes et souffre de quelques problèmes de rythme. Cette œuvre ambitieuse aurait gagné à épouser soit une durée plus importante, soit un rythme plus soutenu dès le début. Et, finalement, la plus grande qualité d'Oblivion est aussi son plus grand défaut. De par ses tenants et aboutissants complexes, le film passe malheureusement par quelques séquences un peu rébarbatives d'explications pures qui auraient pu être révélées par quelques plans, à l'image de toute la dernière partie très visuelle et très émotionnelle. Toutefois, la générosité de son intrigue et son imprévisibilité font très vite oublier ces quelques menus problèmes qui révèlent en plus la volonté du cinéaste de faire un film de science-fiction autrement, jouant avec les genres, à l'instar du Sunshine de Danny Boyle, et revenant aux fondamentaux de cette culture populaire fondatrice, à des auteurs tels que Matheson, C. Clarke ou Asimov, pour qui la Science-fiction était une histoire de désolation, de drame humain et d'amour.







