Et de cinq. Cinq films de morts-vivants à l'actif de George A. Romero, qui est sorti de son propre aveu frustré de l'expérience Land of the Dead. Trop de moyens (16 millions de dollars pourtant), trop de logistique, trop de négociations avec le studio. Diary of the Dead marque donc son retour à un cinoche totalement indépendant, les conditions de production n'étant pas sans rappeler celles, il y a de quarante ans, de La Nuit des Morts-Vivants.
Son indépendance sur Diary, Romero n'hésite pas à la souligner dès que l'occasion s'en présente, avouant même n'avoir jamais eu autant de contrôle de toute sa carrière. Loin des cahiers des charges hollywoodiens, des obligations par rapport aux financiers et des comptes à rendre avec le public, Romero évolue donc en électron libre, façonnant progressivement sa bande de la manière la plus inattendue qui soit. Calqué sur un rythme télévisuel, en plus d'adopter la forme d'un faux-reportage, le cinéaste ose même jouer des fondus au noir chers à la petite lucarne entre les séquences les plus importantes (on pourrait presque y intégrer des pauses publicitaires !), manoeuvre contrastée non sans ironie par une voix off déchargeant un propos politique complémentaire (et non en paraphrase) des images d'archive qui défilent à l'écran. Désarçonnant en première vision, le procédé parvient à enraciner profondément la scénographie du métrage dans notre triste réalité contemporaine, et à souligner à nouveau, si besoin était, toute la pertinence de l'utilisation des zombies.
Une fois n'est pas coutume toutefois, l'emploi des morts-vivants à des fins allégoriques n'est pas ici l'argument principal du cinéaste. Bien sûr, Diary of the Dead sait mettre en valeur ses revenants, et les renvoie d'ailleurs dans la tombe avec une imagination sans cesse renouvelée (les morts sont graphiquement démentielles, chaque effet gore redoublant d'ambition par rapport au précédent). L'intérêt réside cependant ailleurs, dans la manière dont Romero pousse ses héros, jeunes dénonciateurs de la manipulation des médias, à littéralement mettre en scène la réalité qu'ils prétendent rapporter. Partant d'une caméra, l'équipe multiplie ainsi progressivement les angles de prise de vue, use de téléphones portables et de caméras de surveillance, passent un temps fou à trier leurs rushes (joli cours de montage en milieu de parcours) et transforment en définitive leur reportage sur le vif en fiction pure et simple. Un recul par rapport aux évènements s'installe irrémédiablement, Romero abordant même au sein du dialogue l'immunité que procure au cadreur le prisme de la caméra. Caméra qui immortalise les êtres et est capable, d'un simple retour en arrière, de ramener les morts à la vie ; une évidence qui poussera un personnage agonisant à lancer à ses compagnons un suppliant "shoot me" (filme-moi / flingue-moi dans la langue de shakespeare). Pamphlet brutal, sans concession et d'une intelligence dramatique absolue (voir l'épilogue où notre groupe s'enferme dans une panic room jonchée d'écrans de contrôle, se condamnant dès lors à un rôle de bête observateur omniscient), Diary of the Dead relance avec une fraîcheur inattendue la saga zombiesque de Romero, en plus de se fondre organiquement dans la décennie qui l'a vu naître. La suite directe étant prévue pour fin 2009, à l'aube d'une nouvelle ère, c'est peu dire que l'on est pressé de savoir quelle nouvelle satire visionnaire Romero nous réserve.



