Le monde du jeu vidéo, la télévision, Pixar, Les Oscars... Partout sur son passage, Michael Giacchino s'est évertué à redonner ses lettres de noblesse à la musique pour l'image, en remettant au goût du jour les vrombrissements orchestraux de Bernard Herrmann et les envolées jazzy de Lalo Schiffrin et John Barry. Sa quête anachronique en ces temps zimmeriens - et pourtant, ô miracle, saluée par Hollywood - se poursuit avec un trio de bandes originales à l'étendue créative étourdissante : Star Trek, Land of the Lost et Là-haut, dont il est question ici.
On ne peut que s'agenouiller devant la puissance épique de certains morceaux de Là-haut, construits à l'ancienne autour d'accords de cuivres (souvent à contretemps), d'ostinatos de cordes et de percussions brutales. 52 Chachki Pickup, Three Dog Dash, Canine Conundrum ou Escape From Muntz Mountain donnent ainsi dans un spectaculaire décomplexé, fidèle au sens rythmique inimitable du compositeur d'Alias et Mission : Impossible 3. Syncopes par dizaines, structure éclatée des phrases musicales... Giacchino, contrairement à ses actuels confrères, ne recherche jamais la facilité. Pour autant, Là-haut ne se veut pas, loin s'en faut, une futile démonstration de force.
L'âme de la partition réside plus volontiers dans un thème au sentimentalisme ouvertement affiché. Ce qui, dans la logique narrative du métrage, s'avère totalement justifié. Bâtie sur un mouvement de valse, cette mélodie s'expose calmement, avec un certain art du dépouillement malgré le nombre d'instruments invoqués, dès les dix minutes d'ouverture (sur le disque comme dans le film). Married Life, véritable ode à l'amour fou de Carl et Elie, emporte l'auditeur dans une tornade d'émotions brutes, pour ne plus jamais quitter la partition. Fin stratège, Giacchino n'aura de cesse, par la suite, de convertir son leitmotiv aux divers enjeux de l'intrigue, l'enveloppera de flûtes, de harpes et de violons lors de l'envol de la maison, le tordra en fonction des hommages (cf. les cordes piquées très Joe Hisaishi de Giving Muntz The Bird) et des rebondissements (le morceau williamsien en Diable Seizing The Spirit Of Adventure)... Nourri par un matériau à fleur de peau, qui dicte la marche à suivre à l'action et non l'inverse, le vent d'aventure qui souffle sur score n'en est que plus grisant, et cette adéquation pleinement aboutie entre le fond et la forme nous laisse à penser que Giacchino, définitivement l'un compositeurs les plus talentueux de sa génération, a encore beaucoup à nous offrir.