La sortie du Star Trek de Michael Giacchino nous donne l'occasion de nous repencher sur l'un des meilleurs scores de la saga, écrit par feu Jerry Goldsmith pour le pourtant calamiteux Nemesis de Stuart Baird.
Goldsmith, pour l'une de ses toutes dernières partitions, revient donc en 2003 à l'univers Star Trek, dont il avait créé les bases orchestrales en 1979 pour le formidable métrage de Robert Wise. Une partition encore aujourd'hui légendaire, qui osait s'écarter du matériau qu'avait signé Alexander Courage pour la série des sixties. Contraint à accompagner un blockbuster informe aux allures de Z involontaire(même les acteurs ne semblent plus y croire), Goldsmith parvient non pas à sauver les meubles, mais au contraire à laisser l'auditeur fantasmer un tout autre métrage. Une épopée spatiale partagée entre mystères insondables (arpèges en pagaille dans la lignée de Total Recall) et élans héroïques sidérants (les syncopes de The Mirror et les cuivres, roulements de tambours et accords répétés de Final Flight risquent de rendre fous les amateurs du 13ème Guerrier). Le tout appuyé par des mélanges synthé / orchestre dont la modernité, la fluidité et l'évidence écrase toute la génération montante en un seul morceau (Remus, qui se paie au passage, à l'instar de A New Ending, un clin d'oeil au thème de Courage).
Toujours inégalable, donc, lorsqu'il s'agit de mêler numérique et analogique, Goldsmith charge ses ordinateurs d'approfondir l'ampleur de sa composition, tour à tour reflet d'un espace infini aux silences habités et champ de bataille symphonique où s'affrontent les phrases musicales les plus décomplexées. Le travail sur le rythme et les percussions ressort d'autant plus ici, ce qui n'empêche pas l'auteur d'exposer, lors de rares moments de calmes, quelques mélodies obsédantes (le très beau My Right Arm, dont le thème sera repris et développé, de fort belle manière, dans les morceaux Repairs et Ideals), voire même un piano limite jazzy (le début de A New Ending). Si sa structure essentiellement mathématique - on l'admettra sous la torture - l'empêchera d'atteindre les cimes de plusieurs chefs-d'œuvre passés, Nemesis reste une date à marquer importante dans la carrière de Goldsmith. Couplé au formidable score de Looney Tunes, la reprise finale du thème de Star Trek le film en toute fin d'album peut être vue comme le plus ample, le plus noble et le à la fois le plus ludique des barouds d'honneur. On en pleurerait.