Vingt-et-unième collaboration entre John Williams et Steven Spielberg, Arrête-moi si tu peux avait toutes les excuses pour sentir l'essoufflement, à plus forte raison après le feu d'artifices de Minority Report. Portée par un thème jazzy irrésistible, cette BO sonnerait plutôt comme un nouveau commencement !
L'année 2002 aura été l'année John Williams. Ayant ouvert le bal au mois de mai avec L'Attaque des Clones (partition riche mais salement malmenée au montage par un George Lucas décidé à intervertir tous ses leitmotivs), le maestro n'a fait qu'enchaîner les réussites, majeure (Minority Report) comme mineure (Harry Potter et la chambre des secrets). C'est dire si l'on attendait Catch me if you can au tournant, mais le résultat s'avère à l'image du film : simple, direct, sans prétention et pourtant diablement maîtrisé et original. Construit en trois notes, le thème principal, personnification du jeune héros, est un monument de fraîcheur et d'entrain (fort d'une construction en crescendo, le morceau rappelle les meilleures partitions de Williams - cf. la piste Schindler's Workforce de La Liste de Schindler), tandis que le Main Title, par la suite sollicité par l'enquête de Hanratty, permet à l'auteur de donner un coup de chapeau aux jazzmen de son enfance. Une manière d'affirmer des racines depuis longtemps laissées de côté au profit de fulgurences orchestrales. On se souviendra au passage de cette anecdote édifiante : parti pour caler une foule de musiques classiques sur sa Guerre des étoiles, George Lucas est freiné au vol, courant 1976, par son pote Spielberg. Ce dernier lui vante les mérites de John Williams, qui vient de faire des prouesses sur Sugarland Express et Les Dents de la mer. Ce à quoi Lucas répondra, stupéfait : "Johnny Williams, le jazzman ?!" Reflet d'une époque où le compositeur de musique de film le plus célébré au monde n'était encore que Johnny Williams, un musicien fouguex et passionné voguant entre bœuf intimiste et symphonie minimaliste, Arrête-moi si tu peux est un bonheur rare.