Parmi les licences exploitées en France par Vestron il y a celle décidément bien trop rare en France de Godzilla. Pas la version américanisée par Legendary Pictures et son MonsterVerse, mais bien celle dérivée des mythiques productions nippones. Artiste au style inimitable, James Stokoe en est profondément amoureux et ça se voit !
Croisé tout récemment dans les pages du troisième numéro du nouveau Métal Hurlant, James Stokoe est certes un artiste le plus souvent présent sur des licences plus ou moins fructueuses (Warhammer 40000, Rival Schools, Moon Knight...) mais il est aussi de ceux qui s'approprient systématiquement l'univers qu'il approche. Comme ce fut le cas pour le tétanisant Aliens Perdition, survival musclé et oppressant, où son style manga et pulp donnait un nouvel écho à l'organicité de la célèbre créature. Surtout, sous le dehors d'un pur divertissement comics il préservait le point de vue profondément humain. Un contraste entre la monstruosité et une proie bien plus proche de nous qui sied à merveille à une bande dessinée consacrée à Godzilla. Multipliant les détails de destructions, les déflagrations d'explosions et les affrontements titanesques, Stokoe prend cependant toujours le point de vue du témoin, rarement vraiment proche de l'action, toujours tremblant au sol ou s'aventurant dans les airs. Comme dans les meilleurs films de la licence, l'échelle est d'autant plus primordiale que l'artiste s'attache à reproduire avec énormément de respect, et sans doute une bonne dose de nostalgie, la touche rétro, un peu maladroite, d'un Godzilla en costume de caoutchouc rejoint d'épisode en épisode par une bonne quantité de ses collègues.
Mothra, Ebirah, Hedora, King Godorah ou Gingan viennent lui livrer bataille dans des séquences particulièrement impressionnantes et grandioses où l'on retrouve l'énergie des bonnes vieilles productions de l'ère Showa. Un hommage brillant, excitant mais qui surprend aussi par cette inéluctable apocalypse qui se met en place. Réinventant la chronologie des films à sa façon, James Stokoe imagine la guerre que livre un homme, Ota Murakami, contre la créature au cours de cinquante années bien occupées. De la première apparition du saurien géant à la montée graduelle en puissance des kaiju et des dévastations qui les suivent, le récit entremêle à la perfection les évolutions même de la créature au cinéma, tout en s'appuyant sur une course poursuite entre les forces anti-monstre et un scientifique vendu au plus offrant qui provoque inlassablement l'arrivée de nouvelles créatures de plus en plus puissantes. De simple témoin de la catastrophe à pilote terminal d'un Mechagodzilla dernier cri, Ota Murakami mu son obsession en relation de plus en plus complexe avec le Godzilla et sous la lassitude du vieux guerrier apparait sans doute une certaine forme de respect. Le combat de toute une vie, mais un combat perdu d'avance, illustré comme un blockbuster épique sans temps mort et bourré jusqu'à la gueule de combats de monstres géants. Massif.

