Troisième album en 2022 chez Urban Comics déjà pour Tom King après Strange Adventures et Rorschach qui effectivement procèdent à chaque fois d'une relecture plus ou moins inédites d'une figure bien établie. Et c'est ici au tour de la fameuse Supergirl, héroïne rayonnante s'il en est, auquel l'auteur rend un vibrant hommage.
Pas forcément le personnage le plus populaire auprès des créateurs de DC Comics d'ailleurs, même si grâce à la récente série TV et ses différentes apparitions animées, la cousine de Superman semble enfin avoir trouvé sa place auprès du public, jeune et de sexe féminin particulièrement. Souvent caché dans l'ombre de l'icône arborant le même S sur sa poitrine, Kara El est donc longtemps restée la Superman au féminin, l'héroïne imaginée pour les jeunes filles, un peu enfermée dans une imagerie girly. Après l'excellent Superman Up In The Sky qui s'efforçait de retourner à l'essence même du personnage, Tom King offre un traitement équivalent à Supergirl avec le bien nommé Woman of Tomorrow, autre mini-série qui sur un prétexte assez classique (ici aider une jeune fille à retrouver l'assassin de son père), entraîne le personnage dans une longue quête à travers l'espace où chaque nouvelle péripétie, rencontre, découverte de planète étrange et, malheureusement, de massacre d'un empire pirate, viennent effeuiller les différentes couches que Kara érige en protection autour d'elle. Une longue aventure conté comme il se doit en voit off, mais celle de la témoin Ruthye, à peine adolescente sortie d'un livre de Fantasy, qui découvre à la fois la grandeur et la dangerosité du monde qui l'entoure et la nature de la guerrière qu'elle pense avoir engagée. Une Kara qui au passage vient de fêter dignement ses 21 ans en se pochetronnant sur une planète au soleil rouge (lui assurant les effets de l'alcool).
Bien moins lisse que souvent, jeune adulte se faisant professeur, Supergirl s'impose de page en page comme une super-héroïne qui a toujours été sur la retenue, autant dans l'extériorisation de ses propres souffrances et questionnements, que sur l'étendue de ses pouvoirs. Construit comme une succession d'aventures pas toujours légères (on parle tout de même de génocides à répétition), Woman of Tomorrow manie les fausses digression jouant sur l'incongruité de quelques étapes (les inlassables voyages en transports spatiaux en commun), sur la répétitions des drames de planètes en planètes, ou sur une écologie affaiblissant Supergirl, pour effectivement établir pas à pas les valeurs du personnage, ce qui fait certainement d'elle un être à part.... et pourquoi pas plus puissante et complexe que Superman. Un exercice passionnant, mais aussi un exercice poétique cultivant généreusement ses apanages du space opera et de la Fantasy cosmique pulp où explose une nouvelle fois le talent considérable de la dessinatrice Bilquis Evely (Sandman The Dreaming). Avec toujours cette finesse du trait assez particulière, vive et fouillée, elle s'emporte plus volontiers du cotés des grands feuilletons d'autrefois, venant presque citer Frazetta et autres illustrations de recueils de John Carter from Mars et autres récits de pirates fendants l'espace étoilés et explorant des planètes aux peuplades étranges. Riche, foisonnant, enivrant, onirique et particulièrement spectaculaire lorsque Kara s'enflamme littéralement dans un affrontement contre un dragon cosmique. Certainement la plus belle mini-série consacrée à Supergirl.

