Quelque part entre NYPD Blue, Gotham Central et L'Appel de Cthulhu nait un flic d'une nouvelle espèce. Un fin limier au flair incroyable... surhumain... et au comportement presque extraterrestre. Serait-ce un indice ?
Finalement s'attaquer aujourd'hui à une nouvelle adaptation de l'œuvre séminale d'H.P. Lovecraft peut paraitre franchement risqué tant le nombre d'auteurs qui s'y sont cassé les dents est imposant, et seuls quelques rares talents ont réussi à tirer leur épingle du jeu. Le dernier en date était Alan Moore et son définitif Providence, réécriture fastueuse de toute la mythologie des grands anciens. Fred Van Lente n'est pas le créateur de La Ligue des gentlemen extraordinaires, mais il n'en a de toute façon pas la prétention, cultivant plutôt une écriture largement plus fun et décontractée. Créateur de CowBoys & Aliens, aux commandes d'Archer and Armstrong depuis 2012, et auteur de bons passages sur The Incredible Hulk ou Marvel Zombies, le scénariste s'est lancé avec Weird Detective dans un polar à la forme relativement classique, proche justement du buddymovie ou de la série tv, mais dans lequel il s'amuse à injecter sans ménagement une forte dose d'étrange, d'improbable, hérités des mythes de cher Lovecraft, avec monstres tentaculaires, démons aquatiques et aliens séculaires.
Et l'entreprise fonctionne à merveille. Et même si ce Sebastian Greenea de faux airs de John Constantine avec ses cheveux jaunes et son trench-coat, sa distanciation avec ses contemporains est due uniquement au fait que celui qui habite ce corps n'est pas de notre planète. Un alien venu d'un lointain futur pour stopper l'Armageddon annoncée par Chtulhu le grand, et ont les capacités surhumaines lui permettent de faire avancer les enquêtes à pas de géant, mais qui a du mal à se cacher dans la foule. Pas de soucis, l'excuse est toute trouvée : il est canadien ! Entre horreur pulp et sitcom, cette comédie policière réussit à trouver une bonne balance entre ses deux composantes décrivant une enquête rondement menée avec son lot de cadavres vidés de toute substance, ses mafieux tripotant les créatures d'Insmouth, ses instances policières corrompues, et des dialogues vifs échangés entre Greenea et sa partenaire, Sana Fayez, finalement aussi mal perçue que lui car arabe, lesbienne et mère d'un petite garçon avec sa partenaire ! Un sacré duo qui n'a jamais peur de se salir les mains et de sauter dans l'action, comme en atteste les planches de Guiu Vilanova, artiste encore méconnu, croisé aux USA sur les adaptations de Dark Shadows et The Twilight Zone, mais qui a tout d'un futur grand avec son trait fouillé à la Guy Davis, ses ambiances de polar urbains et ses découpages toujours mouvants, laissant une grande place à l'horreur graphique. Sous de mauvaises étoiles est une première affaire en forme de rencontre, permettant à la fois aux deux artistes d'afficher leurs intentions et au duo de flics de se trouver un équilibre dans ce New York aux portes de la folie. Espérons vraiment que Weird Detective reviendra dans un futur proche.

