THE BIG GOODBYE
The Big Goodbye: Chinatown and the Last Years of Hollywood – Etats-Unis – 2020
Genre : Cinéma, Essai, Chronique
Auteur : Sam Wasson
Nombre de pages : 350 pages
Éditeur : Carlotta Films
Date de sortie : 24 juin 2021
LE PITCH
Chinatown est le Graal du cinéma des années 1970. Sa fin surprenante est la plus célèbre de tout le cinéma américain, et sa dernière réplique, la plus obsédante. Ce livre révèle, pour la première fois, l’incroyable genèse de ce projet.
La fin du rêve
Il y a les livres sur le cinéma, qui l’analysent, le décortiquent ou en éclairent ses coulisses, le laissant légèrement dans le lointain comme une œuvre d’art intouchable. Et il y a les livres cinéma qui y plongent tête baissée, s’y perdent et en deviennent une part étrange, une excroissance qui s’approche dès lors d’une même démarche de création. The Big Goodbye, Chinatown et les dernières années d’Hollywood est de ceux-là.
L’ouvrage de Sam Wasson (Fosse, Improv Nation) n’a ainsi rien du livre making of académique, document au ton impersonnel s’efforçant de délivrer le plus d’informations et d’anecdotes possibles. Si le travail journalistique de l’auteur est indéniable, montrant par ses sources de citations autant de lectures, de recherches dans les archives que de nouvelles rencontres inédites avec les parties prenantes de l’histoire, The Big Goodbye s’organise essentiellement par son point de vue à lui, le regard qu’il porte sur ce film, Chinatown, qu’il considère comme le dernier grand moment de la créativité hollywoodienne, signe éblouissant du crépuscule à venir. Une sensation de perdition présente dès les premières pages qui s’accrochent à la première rencontre, difficile, entre Roman Polanski et Sharon Tate, entre un cinéaste européen en pleine ascension mais hanté, déjà, par les fantômes de son passé, et une jeune actrice presque aveuglante de beauté et de possibilités. Derrière la passion naissante, la fébrilité d’une époque électrique, libre et pleine d’expérimentation, se dissimule déjà la mort, la corruption du temps, de la fatalité. Les 60’s vont s’éteindre dans le sang et l’horreur et les 70’s s’efforcer d’y survivre.
As little as possible
Polanski, dont on aborde comme jamais les multiples tragédies, les faiblesses, les démons, mais aussi le génie créatif, partage la lumière avec le producteur Robert Evans électron libre de la Paramount, le scénariste Robert Towne obsédé par la perdition de L.A. et l’acteur Jack Nicholson, alors véritable roi sur sa montagne. Des personnalités, des personnages, qui ont apporté leurs sensibilités, leurs propres histoires à Chinatown, mais qui aussi symbolisent à la perfection cet ultime sursaut d’un âge d’or sur le point de s’éteindre, emporté par l’argent, les penseurs en col blanc, la télévision et les blockbusters des années 80. La chronique d’une époque fascinante, d’un Hollywood encore magique dont l’acte central réside bien entendu dans le tournage chaotique proprement dit du sublime Film Noir, mais que le lecteur déguste comme un véritable roman, policier de surcroît, qui explore comment toutes ces personnes ont nourri le film de leurs propres secrets, fantômes de l’enfance ou douleurs profondes, lui conférant cette atmosphère si particulière. A ce titre la dernière partie de l’ouvrage se montre d’une noirceur impeccable, suivant peu à peu l’effondrement d’un certain cinéma américain, mais aussi la chute progressive de la plupart des intervenants, comme prisonniers justement dans ce Chinatown qui n’est pas un lieu mais « un état d’esprit ». Troublant.
Complément parfait du film proprement dit qu’on imagine bien Carlotta avoir espérer intégrer dans sa collection Ultra Collector, The Big Goodbye aurait parfaitement eu sa place comme complément du coffret. Mais ses qualités d’écriture autant que son originalité et sa pertinence n’auraient sans doute pas eu l’éclairage qu’ils méritaient, car ce n’est pas qu’une célébration d’un fleuron du 7ème art mais bien la radiographie, nuancée, d’une époque envoûtante mais si éphémère.