QUI VEUT LA PEAU DE ROGER RABBIT ?

Who Censored Roger Rabbit ? – Etats-Unis – 1981
Genre : Policier, Comédie
Auteur : Gary K. Wolf
Nombre de pages : 448 pages
Éditeur : Ynnis Editions
Date de sortie : 8 janvier 2025
LE PITCH
L’heure est grave : quelqu’un a tenté d’étouffer le célèbre lapin de bande dessinée Roger Rabbit. Eddie Valiant, un détective privé bourru embauché pour une simple affaire de contrat, se retrouve donc à se poser des questions sur la sécurité de son client. Mais alors qu’il est sur le point de clore son enquête et de partir le plus loin possible de l’étrange milieu des toons, ces personnages dessinés qui vivent parmi nous, un double meurtre le remet sur la piste d’un complot aux ramifications insoupçonnées… aux côtés d’un allié improbable. Quel est le rôle de Jessica Rabbit, le grand amour du lapin, dans cette affaire ? Pourquoi est-ce que tout le monde souhaite s’emparer d’une simple bouilloire de cuisine ? Et surtout : qui veut la peau de Roger Rabbit ?
Les pattes en l’air !
Petit chef d’œuvre de comédie fantastique et véritable polar passé à la moulinette des univers cartoon, Qui veut la peau de Roger Rabbit ? de Robert Zemeckis était à l’origine un livre. Un roman resté inédit plus de quarante ans en France et qui connait enfin une traduction grâce à Ynnis Editions. Attention cependant, les fans du film risquent d’avoir quelques, douloureuses, surprises.
Jusque-là on connaissait donc uniquement Qui veut la peau de Roger Rabbit ? sous l’apparence d’un grand divertissement familial, bourré d’humour, un détournement du récit policier habilement structuré autour d’un mélange de prise live et d’éléments animés profitant des talents du studio Disney, d’acteurs mémorables (Bob Hoskins, Christopher Lloyd…), d’une mise en scène inspirée signée Zemeckis (Retour vers le futur) et d’un mélange unique de personnages échappés du studio au grande oreilles mais aussi de la Warner (Bugs, Daffy…) ou autres. Bref, un chef d’œuvre tout bonnement qui avait été inspiré par le roman Who Censored Roger Rabbit ? signé Gary K. Wolf. Inspiré car les scénaristes Jeffrey Price et Peter S. Seaman (Doc Hollywood, Le Grinch…) et le cinéaste en personne en ont considérablement remanié la trame, le caractère et l’existence de certains personnages et surtout la tonalité générale du récit. Finalement le long métrage a essentiellement préservé quelques noms et surtout un concept, celui d’une Amérique des 50’s où humains et toons cohabiteraient plus ou moins difficilement. D’ailleurs les toons du livre doivent autant au monde de l’animation qu’à leurs versions comics ou strip, et s’expriment par des bulles qu’ils laissent tomber derrière eux.
« J’suis pas mauvaise, je suis juste dessinée comme ça ! »
Des créatures cependant nettement plus proches des humains ici, non pas dans leurs déformations diverses, mais bien dans leur nature profonde, très loin de la naïveté affichée à l’écran. Avec Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, Gary K. Wolf a voulu rendre hommage au monde du roman noir, mais versant hard boiled, où la moralité de tous les personnages est constamment remise en question, et où le monde des paillettes est peuplé de pervers (on parle ici de BD pornos vendues sous le manteau), de truands, de voleurs, de maitres chanteurs et de meurtriers en puissance. Pas vraiment de rédemption et de retour à la bonne humeur prévus pour Eddie Vaillant, privé roublard mais définitivement misogyne et raciste, ni pour la belle Jessica Rabbit, garce absolue qu’on nous présence aussi vénale que nymphomane (picoti-picota devient nettement plus salace)… et même ce brave Roger Rabbit à la fois victime et détective apprenti, en prend méchamment pour son grade. Un Los Angeles pourri jusqu’à la moelle comme chez James Ellroy, qui s’écharpe pour quelques négatifs interdits mais aussi pour une mystérieuse bouilloire, faisant autant hommage au mythique Le Faucon Maltais, qu’à l’esprit décalé de ces fameux « petits mickeys ». Le roman reste ainsi déroutant, forçant souvent son mariage entre le polar pulp bien méchant et l’humour enfantin et référentiel des toons, et s’embarquant dans ses derniers chapitres dans une succession de révélations sorties du chapeau aussi hasardeuses que franchement bordéliques.
Alors, faut-il lire le roman de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Certainement oui, autant pour découvrir l’origine de l’un de nos films favoris, mais aussi d’une certaine façon pour mesurer le travail imposant fourni par l’équipe du film. D’un concept prometteur mais maladroitement négocié, ils ont réussi à tirer un univers beaucoup plus équilibré, des personnages bien plus attachants et une affaire policière de Film Noir à l’extravagance dotée d’une certaine poésie, clairement absente ici.