MICHAEL BAY : LA FIN DE L’INNOCENCE
France – 2022
Genre : Cinéma
Auteur : Robert Hospyan
Distributeur : Aardvark Editions
Date de sortie : 6 décembre 2022
LE PITCH
Réalisateur mal-aimé et souvent incompris, la tornade Michael Bay, qui met au service du cinéma d’action son esthétique reconnaissable entre mille, sème le chaos à Hollywood contre vents et marées depuis le milieu des années 1990 …
Perles à rebours
En 2014, deux américains, un youtubeur (Tony Zhou) et un bloggeur (The Bitter Script Reader) tentaient de démonter la mécanique du cinéma selon Michael Bay. Si la vidéo du premier, « What is Bayhem ? », a depuis rencontré un franc succès en ligne, l’ouvrage du second a malheureusement fait pschitt. Souhaitons donc aujourd’hui un triomphe à l’essai de Robert Hospyan publié chez Aardvark Editions, passionnante analyse de fond de la filmographie pas comme les autres du réalisateur de Bad Boys et Transformers !
Lorsque le nom de Michael Bay fait son apparition, une question refait surface au même moment : alors, auteur ou pas auteur ? Scénariste, acteur, réalisateur d’une poignée de courts-métrages mais aussi rédacteur à ses heures perdues pour Rockyrama et le site FilmDeCulte.com, Robert Hospyan met – assez brillamment – un terme au débat dès les premières pages de cet essai ambitieux. Oui, Michael Bay a bel et un bien un propos, une vision du monde et ses images et son découpage font sens. Dans son introduction, Hospyan compile certaines des critiques les plus souvent formulées à l’encontre du cinéaste et les retourne comme une crêpe. Bay est bel et bien un publicitaire et il est là pour nous vendre quelque chose de la manière la plus agressive et exagérée qu’il soit. Mais il y a erreur sur le produit et l’intention derrière l’acte : le cinéaste veut divertir au sens le plus noble du terme et redonner au public ce qu’il a ressenti devant les films qui ont forgé sa sensibilité artistique (West Side Story, Star Wars). En usant de citations et d’entretiens avec le cinéaste, Robert Hospyan démontre que Bay ne fait pas de différence entre « vendre » et « partager » et que sa vision, basée sur un ressenti primaire, enfantin à plus d’un titre, puéril même, ne trouve d’écrin que dans un style baroque, énorme, disproportionné et à la limite du cinéma expérimental. À ce titre, le regard que porte Hospyan sur le sens du cadre et de l’image à impact maximum du cinéaste est plus que pertinent et son analyse très précise de l’ouverture de The Rock vaut son pesant de cacahuètes.
Ne tirez pas sur l’ambulance
En titrant son ouvrage « La fin de l’innocence », Hospyan dégage une thématique majeure de l’oeuvre de Michael Bay : le passage à l’âge adulte. Enfant adopté, Bay cultive d’un film à l’autre un regard très ambivalent vis à vis des mentors, des pères et des figures d’autorité. Chez le cinéaste, on devient un homme de plusieurs façons et les attributs esthétiques de la virilité (un corps d’Apollon, une belle voiture, une belle nana) ne suffisent pas. Il faut tuer, trahir, éliminer le double maléfique ou le mâle toxique et retrouver le sens des valeurs les plus nobles (la famille, l’amour, le devoir, le sacrifice). l’image du soldat déploie tout un imaginaire qui va bien au-delà des procès en patriotisme régulièrement prononcés à l’encontre de Michael Bay. De Bad Boys à Ambulance, le cinéaste a évolué et sa vision du monde aussi mais pas son besoin viscéral de créer de la grande image, la plus épique qui soit, de ne jamais perdre de vue le mouvement.
Hospyan passe également en revue les publicités, les techniques de casting et illustre ses propos avec des extraits d’entretiens, de commentaires audio et de captures d’écran de plans significatifs. Sans être renversant, son style reste précis et évite les phrases à rallonge qui ne veulent rien dire. Il y a de la sincérité dans l’amour que l’auteur porte à Michael Bay mais aussi de la lucidité. On regrettera simplement le petit format et une mise en page trop sage mais l’essentiel est bel et bien là : Michael Bay – La fin de l’innocence donne une furieuse envie de revoir les films d’un artiste certes complètement fou mais loin d’être aussi con qu’on aurait pu le croire.