MARIO BAVA, LE MAGICIEN DES COULEURS
France – 2019
Genre : Cinéma
Auteurs : Gérald Duchaussoy et Romain Vandestichele
Nombre de pages : 167 pages
Éditeur : Lobster Films
Date de sortie : 14 juin 2019
LE PITCH
Une réflexion sur le cinéma de Mario Bava au travers du prisme de l’esthétique, des couleurs, du cadre…
Les experts
Avant de s’illustrer par leur brillante contribution aux suppléments vidéo de la récente édition blu-ray 4K des Trois Visages de la Peur chez Le Chat qui fume, les duettistes Gérald Duchaussoy et Romain Vandestichele prouvaient déjà leur connaissance encyclopédique du maestro de l’épouvante dans cet essai austère et parfois complexe mais néanmoins passionnant.
Pour beaucoup de fans de Mario Bava et notamment ceux de la première heure, l’ouvrage de référence est à mettre au crédit de l’américain Tim Lucas. Véritable pavé richement illustré et paru en 2007, « All the colors of the dark » est aujourd’hui malheureusement épuisé. Ce qui laisse un boulevard pour les historiens du cinéma souhaitant se frotter à la filmographie très éclectique du réalisateur du Masque du Démon. A commencer par l’italien Alberto Pezzotta et son très recommandable « Mario Bava – Un désir d’ambiguïté ». Les éditions vidéo (et particulièrement depuis l’apparition du support blu-ray) ne sont pas en restes et sont le plus souvent accompagnées de livret rédigés par des spécialistes.
La pierre apportée par les sieurs Duchaussoy et Vandestichele à l’édifice tient davantage de la réflexion universitaire pointue que du bel objet destiné à prendre la poussière sur une étagère ou sur une table basse. C’est à la fois sa force mais aussi sa faiblesse. Axer tout un ouvrage sur la force de frappe esthétique d’un cinéaste en refusant de s’appuyer sur des photos pour soutenir son propos est un brin casse-gueule et frustrant. Un reproche qui, heureusement, s’estompe au fil des pages.
L’œil et la plume
Passé une introduction ayant la bonne idée de revenir sur la « réhabilitation » de Mario Bava, marquée à la fois par la nostalgie d’un certain cinéma populaire (où forains, artisans et nababs aussi radins que malins régnaient en maîtres) et par la valeur artistique indéniable d’une œuvre au formalisme stupéfiant, les auteurs découpent leur texte en quatre grandes thématiques. D’abord, le contexte économique, où l’on redécouvre par le biais d’une plume érudite le (ou plutôt « les) système(s) de production du cinéma italien d’après-guerre. Le second chapitre développe la relation paradoxale que Bava entretenait avec ses actrices et ses acteurs, entre désamour et précision. Stars étrangères ou comédiens « du cru », le cinéaste les traitait à la fois comme des pantins et comme des icônes, la place et l’action dans le cadre prenant le pas sur le jeu d’acteur ou l’empathie du public. Le troisième chapitre, audacieux, aborde ensuite l’environnement sonore et la musique des films de Mario Bava. Un thème peu abordé, d’où la valeur d’une telle tentative. Enfin, une fois ces bases posées, c’est toute la puissance de l’imagerie des films de Bava qui est mise en évidence, sous le terme on ne peut plus adéquat de « l’ultra-cinéma ». Partant de là, la conclusion ne pouvait qu’aborder les héritiers de Bava, à savoir Dario Argento et Brian De Palma mais aussi, dans une moindre mesure, Lamberto Bava.
Très plaisant à lire, « Mario Bava – Le magicien des couleurs » ne ménage pas ses efforts pour s’adresser à un public aussi large que possible, passant de l’analyse de séquence détaillée à l’anecdote ou à la citation qui claque. C’est ce qu’on appelle être en harmonie avec son sujet.