LUNE FROIDE SUR BABYLON
Cold Moon Over Babylon – Etats-Unis – 1980
Genre : Fantastique, Horreur
Auteur : Michael McDowell
Nombre de pages : 460 pages
Éditeur : Monsieur Toussaint Louverture
Date de sortie : 4 octobre 2024
LE PITCH
À l’aube des années 1980, Babylon est une ville de Floride comme les autres, avec sa chaleur humide et ses pompon girls, ses rumeurs et ses superstitions, ses serpents venimeux et ses décès soudains. Mais Babylon abrite aussi une rivière ancienne et sinueuse, l’un des affluents de la Perdido: le Styx. Un cours d’eau au passé trouble qui a déjà marqué la famille Larkin d’un sceau funeste. Alors quand la jeune Margaret Larkin se volatilise, c’est comme si la rivière se mettait à couler à l’envers, et que l’âme des morts souhaitait dévorer l’esprit des vivants.
Les revenants de la Perdido
La superbe Bibliothèque de Michael McDowell s’étoffe encore chez Monsieur Toussaint Louverture. Sublime couverture sculptée en dorée sur font violet, pour le second roman de l’auteur, ressuscité après une première édition et traduction en 91 chez Pocket sous le titre Les Brumes de Babylone. Une terrible histoire de revenants dans une petite ville de l’Alabama qui ne peut qu’envouter les adorateurs de la saga Blackwater.
Publié trois ans avant sa saga phare, et même s’il se déroule durant les années 80, le roman pourrait presque d’ailleurs résonner parfois comme une introduction aux six tomes à venir, avec sa petite ville aux apparences trop calmes, à ses familles ennemies, son Styx (affluent du Perdido) toujours prêt à sortir de son lit, et ces effluves surnaturelles qui prennent le pouvoir sur le quotidien, pouvant le transformer en cauchemar. En terrain connu donc, le lecteur s’enfonce de plein gré dans des eaux de plus en plus opaques et menaçantes. Celles d’une malédiction qui semble frapper inlassablement la famille Larkin, simples exploitants de myrtilles, de plus en plus en difficultés, qui vont être frappés par la disparition, puis la mort avérée de la petite dernière, attaquée par un assassin masqué alors qu’elle rentrait de balade à vélo. Quelques accents de slasher typique de l’époque (le masque pseudo SM renvoie à une ribambelle de collègues du 7eme art), des descriptions sans doute bien plus graphiques qu’à l’accoutumée, mais Michael McDowell les accorde déjà avec des bribes de conte de fée malade (le Petit chaperon rouge n’est pas loin), de terribles histoires d’ogres, mais aussi une atmosphère d’épouvante qui va prendre peu à peu le pas sur la plus cartésienne enquête policière.
En eaux troubles
L’histoire pourrait ainsi s’avérer extrêmement classique, si l’auteur n’en rendait pas l’identité aussi changeante, aussi insaisissable. Ce qui est sûr, c’est que Lune Froide sur Babylon, est indéniablement une œuvre gothique et américaine, jamais très loin du Folk Horror, incrustant des forces profondes et ténébreuses dans la nature et la texture même des lieux. Finalement la folie et la barbarie du fameux tueur semblent être parfois bien ridicule face à la colère qu’il va libérer, celle de fantômes liquides et de cadavres pourrissants se démembrant de pages en pages, envahissant la nuit, ses songes et sa santé mentale. Une simple histoire de fantômes parmi d’autres, mais que l’écriture de McDowell déjà habitée, habille de manière particulièrement envoutante en incarnant à merveille cette petite communauté de la ville, théâtre rural reconnaissable entre mille, de petites existantes palpables, vibrantes, motivés par les amours et les haines familiales, par les petites rancœurs et les vieilles traditions, par une certaine bonté et tout autant de jalousies. Le bien et le mal qui se livre encore et toujours la même danse macabre, mais que McDowell entraine dans une valse dont le tempo ne cesse de s’accélérer chapitre après chapitre jusqu’aux grandes effusions finales, apothéoses funestes et mortelles.
On ne se lasse décidément pas de redécouvrir la plume de cet auteur à la fois populaire et élégant, surtout à l’heure où une autre de ses créations, un certain Beetlejuice retrouve lui aussi la voie du succès.