KATIE
Etats-Unis – 1982
Genre : Thriller
Auteur : Michael McDowell
Nombre de pages : 460 pages
Éditeur : Monsieur Toussaint Louverture
Date de sortie : 19 avril 2024
LE PITCH
Lorsqu’en 1871, la désargentée et intrépide Philomela Drax reçoit une lettre de son richissime grand-père déclarant qu’il craint pour sa vie à cause d’une famille peu scrupuleuse, les Slape, elle se précipite à la rescousse. Mais le temps presse, car Katie Slape, une jeune femme dotée d’un don de voyance et d’un bon coup de marteau, est sur le point d’arriver à ses fins…Démarre alors une traque endiablée, des rues poussiéreuses d’un village du New Jersey aux trottoirs étincelants de Saratoga, en passant par les quais de New York, Philo poursuit Katie… à moins que ce ne soit l’inverse ? Car personne n’échappe à Katie la Furie !
Le temps de l’innocence
Après la saga familiale gothique Blackwater et le conte sanglant dickensien Les Aiguilles d’Or, Monsieur Toussaint Louverture offre un nouvel écrin tout en enluminures et en reliefs dorés pour le terriblement cruel Katie. Une superbe édition pour un hommage irrésistible aux romans à quatre sous.
Bienvenue (à nouveau ?) dans le petit monde gai et joyeux du romancier Michael McDowell, plume adulée, entre beaucoup d’autres, par Stephen King, mais qui resta trop longtemps inédit dans nos contrées. De lui, on ne connaissait finalement que son nom, aperçu aux génériques de Beetlejuice et L’Étrange Noël de Monsieur Jack de Tim Burton, ou de la version ciné de La Peau sur les os. La pointe de l’iceberg (il a écrit une petite vingtaine de bouquins tout de même), mais qui déjà dénote bien entendu d’un mélange très appuyé entre les références baroques et un humour décalé et particulièrement noir. Ce dernier est d’ailleurs l’un des ingrédients majeurs de Katie, joli conte de fée réaliste gentiment inscrit dans l’âme du XIXe siècle, qui malgré son titre s’intéresse de prime abord au destin misérable de la belle et jeune Philomela Drax. Une fille de couturière, élevée dans la misère et la pauvreté qui s’imagine enfin un nouvel avenir lorsqu’elle reçoit une lettre inespérée de son grand-père qu’elle n’a jamais connu. Un riche propriétaire, accompagné de son lourd héritage, qui est malheureusement sous le joug de la famille Slape et qui l’enjoint de venir la sauver.
Sweeny Katie
Un sauvetage qui tournera malheureusement court, le papy se faisant trucider, gavé de terre et de cailloux, elle laissée sur place comme coupable idéale et eux embarquant tranquillement un sac rempli de toute sa fortune. La première étape d’une cavalcade ininterrompue, d’une succession de péripéties dignes d’un serial ou d’un feuilleton publié dans un vieil hebdomadaire, où Philo et Katie et ses parents ne cessent de se confronter, manquent de se croiser, dans une Amérique ou l’envie, la jalousie et la quête de fortune, coûte que coûte, règnent en maitre. La gentille héroïne, intelligente, discrète, serviable, retrace presque une à une toutes les étapes de l’élévation du rêve américain, rencontrant un bel héritier sans se jeter à son cou, repoussant ses malheurs pour partir en quête d’un travail honorable où elle ne perdra pas son honneur, trouvant la protection d’une aristocrates bienveillante… Mais voyant presque systématiquement son bonheur coupé net à chaque fois par la malchance et le sadisme des Slade, voleurs et assassins aussi stupides, sanguinaires, que férocement malins, toujours menés par la terrifiante Katie, sociopathe aux pouvoirs médiumniques, adepte du coup de marteau dans le crâne. Les meurtres sanglants et les cadavres s’accumulent tandis que la tension monte implacablement dans ce face-à-face moral, qui n’est pas sans rappeler parfois Les Infortunes de la vertu de Sade par son ironie mordante et sadique.
Mené avec brio par un Michael McDowell particulièrement inspiré et savoureux, Katie manie aussi généreusement la précision historique que l’efficacité pulp, la froideur du fait divers qu’une dérision parfois aux limites du détournement de genre. Un délice pour les lecteurs un brin sadiques.