IL Y A BIEN LONGTEMPS, DANS UNE SALLE DE MONTAGE LOINTAINE, TRÈS LOINTAINE…
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A Long Time Ago in a Cutting Room Far, Far Away – États-Unis – 2019
Genre : Cinéma
Auteur : Paul Hirsch
Éditeur : Carlotta Films
Date de sortie : 09 juin 2022
LE PITCH
Il y a bien longtemps, dans une salle de montage lointaine, très lointaine… offre une vision privilégiée sur les coulisses de films parmi les plus marquants des cinquante dernières années, grâce à Paul Hirsch, monteur de La Guerre des étoiles, pour lequel il a obtenu un Oscar, qui a aussi travaillé sur L’Empire contre-attaque, Carrie, Blow Out et Mission : Impossible de Brian De Palma, Footloose d’Herbert Ross, La Folle journée de Ferris Bueller et Un ticket pour deux de John Hughes, Chute Libre de Joel Schumacher et Ray de Taylor Hackford.
Uncut
Il a travaillé sur les deux premiers Star Wars, sur quelques-uns des chefs d’œuvre de Brian de Palma, marqué les 80’s par son travail sur Footloose ou La Folle Journée de Ferris Bueller, et pourtant le nom de Paul Hirsch n’est pas forcément le plus connu. L’injustice d’être monteur.
C’est l’étape fatidique de la création d’un film. Celle où finalement on se rend compte si l’œuvre prend véritablement forme, observant les moindres défauts, faiblesses et imprécisions à la loupe. C’est aussi ce moment où il est encore possible de resserrer la dramaturgie, de dégotter la meilleure interprétation, de réarticuler un scénario un peu bancal ou de dynamiser une réalisation trop lâche. Pourtant les signatures du ou des monteurs ne sont jamais finalement que très accessoires pour le grand public et même pour beaucoup de cinéphiles. En signant sa propre biographie, Paul Hirsch n’a pas l’intention de raconter sa vie, même s’il y évoque sa femme, ses enfants ou ses ressentis personnels sur le temps qui passe, mais bien d’éclairer un métier trop peu connu et lui redonner un peu de son importance. Pas de grands discours ou de cours magistraux, en retraçant progressivement les lignes essentielles de sa carrière. En s’appuyant sur des exemples concrets de travaux qu’il a effectué, il éclaire parfaitement l’importance du montage, explicite la précision nécessaire mais aussi les nombreuses expérimentations (coupes, transitions, rythmique…) qui peuvent tout changer… Ou parfois s’avérer incapable de sauver une catastrophe annoncée comme ce fut le cas sur le honteux Pluto Nash.
Collages
Certains aurait pu régler quelques comptes, distribuer les blâmes à tour de bras, mais Paul Hirsch n’est pas de ce genre là, analysant sans détour les projets compliqués (World War Z, Les Complices…), les réalisateurs avec lesquels il a eu du mal à collaborer (étonnement Brad Bird sur Protocol Phantom… ), l’ingérence de certains producteurs, mais préfère toujours louer les collègues, les grands metteurs en scène qui l’ont fait avancer ou les financiers qui n’ont jamais perdu de vue l’aspect artistique du cinéma. Beaucoup de franchise, d’humour, mais jamais de cruauté. On est parfois pas loin du name-dropping (producteurs, réalisateurs, acteurs, compositeurs…), mais il faut reconnaître que sa grande présence dans le cinéma américain des décennie écoulée a de quoi faire autorité, le livre montrant à quel point l’univers de Star Wars a pu changer de visage sous ses bons conseils et ses trouvailles, à quel point les meilleurs moments de Footloose et de la Folle journée de Ferris Bueller lui doivent beaucoup…Par l’exemple Paul Hirsch délivre ses conseils sur la technique du montage, sur la meilleur manière d’appréhender le métier et d’une certaine façon de se blinder face à une industrie qui peut rapidement rayer n’importe quel nom de la liste. Il y est souvent question d’ailleurs des petites occasions manquées, des futurs succès écartés bêtement… Un guide des plus intéressants donc, particulièrement passionnant même dès lors qu’il nous fait entrer longuement dans les coulisses des productions de George Lucas, ou plus largement encore en explorant régulièrement ses nombreuses collaborations avec celui qu’il considère comme son mentor : Brian De Palma. Un camarade de jeunesse au caractère, on le sait, particulier, et avec qui l’amitié première va bizarrement se transformer en relation de travail des plus tendus alors qu’au premier plan on découvre la construction de Sœurs de sang, Carrie, Obsession, Blow Out, Fury… et le come-back Mission : Impossible.
Un bon petit bouquin sur une manière d’aborder le cinéma en plongeant les mains dans le cambouis et le celluloïd et en préservant toujours son indépendance. Autant dire qu’il y est aussi question d’une époque révolue et d’un cinéma partiellement disparu.