THE QUARRY
États-Unis – 2022
Support : Playstation 5, Xbox Series, PC
Genre : Survival horror
Développeur : Supermassive Games
Musique : Ian Livingstone
Éditeur : 2k Games
Durée de jeu : moyenne
Langue : Français
Date de sortie : 10 juin 2022
LE PITCH
L’été touche à sa fin aux confins des forêts isolées du nord de l’État de New York, et les animateurs de Hackett’s Quarry ont le camp pour eux le temps d’une dernière nuit. Concrètement : pas d’enfants, pas d’adultes, et pas de règles. Dans cette épopée cinématographique palpitante, vous contrôlez les destins de chacun des neuf animateurs de colo alors que la fête qu’ils ont prévue se transforme en une nuit d’horreur imprévisible. Au fil des décisions sur lesquelles reposent la vie et la mort, les choix que vous faites détermineront comment se déroulera l’histoire.
Vous ne m’aurez pas vivant !
Horreur, slasher, torture porn… L’angoisse au cinéma a su produire bien des titres culte. Qu’on les ait vus ou non, on connaît tous quelques-unes de ces œuvres : Psychose, Massacre à la tronçonneuse, Vendredi 13, Freddy, Scream, Saw… Pour le jeu vidéo, les références horrifiques sont toutes autres. Rares sont les titres qui parviennent à faire le pont entre ces deux mondes sans se perdre. The Quarry se propose de joindre les deux cultures en pariant sur cette bonne vieille licorne du film interactif. À ses risques et périls ?
Qualifier le genre »film interactif » de licorne est peut-être un peu fort. Effectivement, depuis les années 90, les joueurs se sont souvent cassés les dents sur ce genre qui a souvent promis beaucoup plus que ce qu’il a pu donner. Mais tout de même, il existe bien des titres qui ont su exploiter cette forme narrative d’une très belle manière, comme on a pu le voir avec Life is Strange, par exemple. Certaines sociétés, comme Quantic Dream, ont un savoir-faire en la matière qui ne se discute plus. Il faut bien reconnaître que ces exemples restent plutôt rares dans le domaine du jeu vidéo. Heureusement pour 2k Games, Supermassive Games a le CV qu’il faut pour entrer dans ce petit cercle des développeurs de films interactifs valables. En effet, leur réputation sur ce genre est faite depuis le plébiscité Until Dawn (2015) et The Quarry se présente clairement comme son héritier.
Des adulescents et des tueurs
The Quarry est bel est bien un jeu vidéo. Mais qui dit film interactif dit film. Le synopsis exploite clairement tous les clichés de l’horreur cinématographique. The Quarry, c’est l’histoire d’une bande de jeunes luttant toute une nuit pour échapper à la mort. Pour un cinéphile, clairement, ça commence mal. Toutefois, le jeu trouve de quoi développer son intrigue d’une manière assez prenante. Il faut dire que ce n’est pas tant l’écriture que l’interactivité qui élève le niveau, ici. En effet, là où le public d’un film pesterait face aux choix de ses héros en danger, le public d’un jeu peut se permettre de décider pour ces mêmes héros. Et cette notion de choix change vraiment la donne car la projection est plus forte et les situations, aussi clichés soient-elles, ont une implication bien plus efficace. D’autre part, le temps du film ne permet pas de travailler le parcours d’autant de personnages comme peut le faire le temps du jeu. Dans The Quarry, cette profusion de personnages permet de varier les événements, en solo, en équipe, armé ou non, en fuite ou caché. Enfin, cette interactivité permet de jouer sur un développement multiple de l’histoire principale, avec des conséquences qui peuvent se faire ressentir sur plusieurs heures de jeu et des embranchements diverses qui modifient grandement l’histoire d’une partie à une autre. Sur le plan narratif, donc, on peut dire que The Quarry est une réussite.
Clean de mocap
Pour la partie jeu, même si The Quarry présente des situations assez variées pour tenir le joueur, il ne présente en réalité que peu de surprises. On notera une possibilité de jouer en coopération et celle de remonter les séquences du jeu pour recréer un film des événements de Hackett Quarry. Les QTE (phases de réflexes) n’opposent aucune difficulté réelle mais, dans leur simplicité, ils ne ruinent pas l’expérience cinématographique. L’exploration reste somme toute assez linéaire mais elle reste encouragée via un système de collection de cartes de tarot assez bien vu dans le contexte de l’histoire. Globalement, The Quarry semble vouloir cultiver une certaine sobriété dans son jeu pour laisser respirer son film. D’aucun pourrait affirmer qu’il ne prend pas de risque. Pour nous, c’est un équilibre délicat et maîtrisé qui s’offre au joueur.
D’un point purement technique, on tient quelque chose de particulièrement pointu. Les modélisations sont impeccables et on reconnaît parfaitement les acteurs qui ont participé à ce projet. La captation est également très propre. Sur ces points, on savait déjà ce dont Supermassive Games était capable sur la précédente génération. On imagine bien que les choses se sont améliorées avec la génération actuelle. Les textures sont plus fines, les effets de transluminescence de la peau mieux travaillée, les environnements plus richement détaillés, etc. Visuellement, on est dans tout ce que notre époque sait faire de mieux en termes de réalisme en temps réel.
Personne ne vous verra geindre
Assurément, The Quarry aligne les bons points. Pour autant, il n’est pas exempt de petits défauts. Au niveau des regrets, on pourrait évoquer quelques rigidités dans les animations en phase de jeu mais vraiment pas de quoi nous sortir de l’ambiance. Dans un registre plus visible, il serait bienvenu que Supermassive Games mette en place un outil de synchronisation labiale procédural qui permette de faire honneur à l’excellent travail des comédiens de doublage de la version française. Car souvent, on est à la limite du doublage d’un film de kung fu. On peut vite l’oublier mais cet écueil revient toujours nous titiller. Ça ne casse pas le jeu mais ça tâche un peu le film pour les allergiques de la VO.
Ce qui nous a le plus dérangé, c’est la photo. En jouant sur des contrastes forts, elle donne souvent des ombres bouchées au point de ne presque plus rien montrer à l’écran à certains moments. Le VRS doit s’en donner à cœur joie ! Dans le même temps, nos personnages ont souvent le visage balafré par une ligne terminatrice assez disgracieuse. On aurait aimé une fill light un peu plus présente pour aérer l’image. Il s’agit là d’une affaire de goût qui n’a dans le fond aucun impact sur la qualité ludique du titre. De plus, la jaquette (dessinée) du jeu présente ce genre d’esthétique contrastée. On peut donc croire qu’il s’agit d’une réelle volonté artistique plus que d’une limite technique. Mais il fallait le signaler. On ne va pas braver la mort sans se plaindre un peu, que diable.
Que de chemin parcouru depuis Night Trap (1992) ! Le film d’horreur interactif est passé de la nuisette pixelisée sur 16 couleurs à des productions sérieuses qui font honneur à leur(s) genre(s). Le jeu des acteurs est convaincant, la mise en scène travaillée et l’histoire prenante. Si le gameplay ne prend pas de risque, il sert sa mission d’immersion et nous fait bien vivre les événements. The Quarry propose de vraies possibilités de variations et offre par la même une replay value très intéressante. Pour un seul épisode, il faudra compter une quinzaine d’heures. Pour tout voir, ce sera une autre histoire. Et il est fort probable que vous voudrez qu’on vous la raconte.