STELLAR BLADE
Corée du Sud – 2024
Support : Playstation 5
Genre : Action, Aventure
Musique : Park Jin Bae, Oliver Good, Keita Inoue
Développeur : Shift Up
Durée : longue
Langue : Français
Editeur : Sony
Date de sortie : 26 avril 2024
LE PITCH
Les Naytibas, des créatures aussi agressives que repoussantes, ont contraint les derniers survivants de l’humanité à se réfugier dans une colonie spatiale. L’opération visant à reconquérir la planète finira toutefois par révéler quelques secrets bien gardés.
Eve lève toi !
Annoncé en 2019, Project EVE est l’une des nombreuses productions remarquées par Sony et rattachées à son programme de développement en Asie, et plus particulièrement en Chine, en Inde et en Corée du Sud. Rebaptisé Stellar Blade, le jeu de Shift Up est désormais prêt à ouvrir la marche.
Au départ, le studio Shift Up est spécialisé dans le jeu mobile et compte dans son catalogue des titres tels que Destiny Child ou encore Nikke Goddess Of Victory. Mais les fins connaisseurs de RPG savent que l’un de ses fondateurs, Kim Hyung Tae, n’est pas étranger aux jeux consoles : avant d’endosser le rôle de réalisateur pour Stellar Blade, ce dernier s’est notamment fait connaître grâce à son travail sur la série Magna Carta, en tant qu’illustrateur. Sa touche, reconnaissable au premier coup d’œil, se distingue particulièrement à travers les courbes spectaculaires de ses personnages féminins et l’on retrouve cette tendance dans Stellar Blade, dont l’héroïne a toutefois vu le corps conçu à partir d’un modèle réel, la vedette coréenne Shin Jae Eun et mis en valeur par les tenues de l’illustrateur et son équipe. Mais les éléments de RPG sont mélangés à une bonne dose d’action pour un cocktail clairement inspiré par NieR Automata, dont l’influence a toujours été revendiquée. L’ambiance et le contexte, d’une part, rappelle immédiatement le jeu de Yoko Taro et PlatinumGames : celui-ci n’a, certes, pas inventé le monde post-apocalyptique, mais l’on en retrouve régulièrement le ton ocre caractéristique des environnements. Puis, il suffit de tendre l’oreille pour sentir un véritable hommage au niveau de l’habillage musical : c’est certainement l’effet recherché puisque Shift Up a fait appel au studio de Keiichi Okabe, Monaca, pour composer une partie des thèmes entendus au cours de l’aventure. La musique est d’ailleurs le point fort du jeu, entre les morceaux mélancoliques qui accompagnent l’exploration de ce monde dévasté, les pistes plus apaisantes des points de sauvegarde ou le son plus brute des combats de boss.
Un châssis rutilant
De NieR Automata, on retrouve également une structure à peu près similaire, avec ce monde qui s’ouvre après quelques premières heures de jeu en couloir, une fois arrivé dans la ville de Xion qui sert de hub central et où l’on peut se voir confier diverses quêtes annexes. Si toutefois il ne s’agit pas d’un monde ouvert, le jeu transporte le joueur dans une variété d’environnements pour renouveler, en partie, les sensations. Même si l’on retrouve généralement le côté délabré d’un monde laissé à l’abandon, avec son lot de ruines, l’ensemble montre tout de même une certaine richesse. Grâce à une réalisation soignée, les décors bénéficient généralement d’une belle somme de détails et les bas-fonds du métro, aux néons cyberpunks, contrastent avec la chaleur du désert qui entoure la cité ou encore l’aspect clinique des laboratoires et autres stations spatiales… jusqu’à ce que l’on trouve la corruption imposée par l’invasion alien. Le design des monstres est d’ailleurs un autre point marquant de Stellar Blade : on a rarement vu des tronches aussi hideuses, et donc réussies, dans une sortie majeure.
Ici, c’est parry
Si c’est la plus évidente, NieR Automata n’est cependant pas la seule source d’inspiration de Stellar Blade qui puise ses mécaniques chez les plus grandes références du jeu d’action japonais. Au point, malheureusement, de se perdre en route. Les concepteurs ont, en effet, tenté de mêler le style flashy de Bayonetta et DMC d’une part et l’aspect plus rigoureux d’un From Software, de l’autre, avec des affrontements rivés au sol et un gros accent sur les « parry », à la Sekiro. Ce cocktail contre-nature engendre une sorte d’entre-deux frustrant. Eve, l’héroïne, dispose bien de nombreux coups spéciaux pour accompagner les attaques rapides et puissantes de base, mais avec des ennemis capables d’encaisser les coups et de répliquer pratiquement à volonté, la meilleure méthode consiste généralement à jouer la campe. Ainsi, il vaut mieux attendre un coup adverse pour placer une garde ou une esquive parfaite plutôt que de s’autoriser la moindre folie et de s’exposer à une sanction immédiate. À cause de ce choix de design, on profite à peine des animations fluides et acrobatiques du protagoniste, si ce n’est durant les exécutions à la God Of War conçues pour en mettre plein la vue au joueur / spectateur. Car, l’équipe de Shift Up a aussi pioché du côté des blockbusters occidentaux, dans les exploits de Kratos, mais aussi ceux de Nathan Drake, puisque l’on a régulièrement droit à quelques séquences de grimpettes de corniches, notamment. Pour couronner le tout, Stellar Blade s’autorise même des phases Resident Evil / Dead Space durant lesquelles Eve se voit priver de sa lame pour user exclusivement de l’arme à feu qu’elle récupère en cours de route. On est à la limite du hors-sujet…
Après des années de jeu mobile, le studio Shift Up se lance dans le monde du « grand écran » avec un projet de rêve influencé par les références de ces dernières années. Si le cocktail est séduisant sur le papier, le résultat manque de caractère et surtout de maîtrise. Mais l’univers attachant créé ici laisse espérer un successeur qui comblera toutes les attentes.