RETURNAL
Finlande – 2021
Support : Playstation 5
Genre : Rogue Lite, Science-Fiction
Développeur : Housemarque
Musique : Ruba Jaiousy
Durée de jeu : Longue
Langue : Français disponible (audio/texte)
Éditeur : Sony Interactive Entertainment
Date de sortie : 30 avril 2021
LE PITCH
Après s’être écrasée sur un monde en perpétuel changement, Selene doit explorer les ruines d’une ancienne civilisation pour s’échapper. Abandonnée à elle-même, elle va devoir combattre de toutes ses forces pour survivre. Encore et encore, elle est vaincue, obligée de recommencer son périple à chaque fois qu’elle meurt.
Syndrome de Stockholm venu d’Helsinki
Returnal vous lâche dans un monde inconnu et changeant. Et à chaque mort, votre personnage revient à son point de départ, dépossédé de tout ce qu’il aurait pu accumuler durant sa partie. Arme, soin et autres statistiques : tout aura disparu. En tant que titre AAA first party, on aurait pu s’attendre à ce que la mécanique implacable du genre rogue lite soit mâtinée d’une certaine mansuétude pour le grand public. Housemarque et Sony ont choisi que ça ne sera pas le cas. Ainsi, seuls les plus opiniâtres sauront-ils profiter de ce jeu tout simplement im-pi-toy-yable…
On joue, on gère, on meurt… et on recommence ! Telle est la routine mortifère qui s’abattra sur le joueur se lançant dans Returnal. Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir de trouver un titre simplement amusant. Nous pourrions nous joindre aux échos des internets pour vous dire que Returnal est particulièrement dur. Mais si cette plainte est vraie, elle ne décrit en rien la véritable difficulté du titre. Quand il meurt, le joueur ne garde presque rien de tout ce qu’il avait pu accumuler dans sa précédente partie. Ni monnaie, ni consommable, ni arme… Et le peu qu’il lui est autorisé de garder n’a que peu d’influence sur la nouvelle partie. Il faut vraiment s’y reprendre à plusieurs fois pour sentir que le jeu évolue doucement. Et entre temps, à chaque fois que le joueur échoue et revient, il a la désespérante impression d’avoir joué pour rien. C’est la principale difficulté du jeu : ne pas comprendre ce qu’il reste de la partie précédente et devoir malgré tout trouver le courage d’y retourner. Le niveau technique du titre est effectivement élevé, mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg de frustration qui va faire sombrer votre ego. Définitivement, Returnal est un sacerdoce réservé à celles et ceux qui pourront s’y consacrer pleinement.
Too young to die
Avec le temps, on finit toujours par battre un jeu. Mais ce temps est un investissement que le joueur entend bien récupérer sous une forme ou une autre. Or, sur ce point, Returnal choisit de rester très discret. En conséquence, il génère une forte incompréhension. Si on ne garde rien, si on n’avance pas, si rien ne change… Si la mort est à ce point punitive, « À quoi bon ? », finit-on par penser. Et pourtant, un changement s’opère bien entre chaque partie, subtil et invisible car hors de l’écran. Ce changement, c’est l’expérience du joueur lui-même. À force de se relever, on finit par apprendre de ses échecs, on finit par comprendre les tactiques ennemies, on finit par exploiter la topographie du monde à son avantage… Mais surtout, on comprend que la mort n’est pas un problème. La mort fait même partie de la solution à l’énigme du défi de Returnal. Car en effet, accepter de mourir, c’est accepter d’apprendre et se donner le courage de reprendre et d’avancer.
Mayoeba, makeru !
Dans Sekiro, une phrase revenait souvent : « Si tu hésites, tu meurs » (mayoeba, makeru). Cette maxime s’applique très bien à Returnal. Mourir fait partie de la routine du rogue lite. Le comprendre, c’est initier un changement d’attitude face à l’adversité et s’autoriser à prendre l’initiative, passer à l’offensive et acculer l’opposant. Et sur ce point, le jeu vous donne réellement les moyens nécessaires à vos exploits. La maniabilité est globalement très classique et absolument sans faille. Le jeu reste fluide quelles que soient les circonstances, même dans les moments les plus intenses, inondés d’effets de particules, d’explosions de lumières colorées et de nuages volumétriques. Le level design est également très précis, avec des éléments placés idéalement par rapport à nos capacités de sauts ou d’esquives, et les différentes salles présentent des volumes adaptés à la vitesse de déplacement du personnage. Tout dans l’ADN du jeu nous incite à prendre les devants… mais, dans le même temps, il punira sans hésitation le péché d’orgueil. Quoi qu’il arrive, il faut savoir garder la tête froide.
Le roi de la négoce !
Dans le même temps, les armes proposées permettent d’adopter une large variété de styles de combats, avec des possibilités de paramétrages relativement pointus qui peuvent être altérés en bien ou en mal par un système de gestion de compétences plutôt atypique. En effet, Returnal vous proposera régulièrement d’échanger un bonus contre un malus. À travers des items présentés comme des parasites, le joueur se voit offrir la possibilité, par exemple, d’étendre sa barre de vie en échange d’une baisse de sa résistance aux attaques. Comme de nombreux éléments du jeu, ces paires bonus/malus sont générées aléatoirement. Il y a donc une myriade de possibilités d’échanges et il appartiendra au joueur de jauger leur intérêt pour les accepter ou non. D’autant plus qu’il est possible d’accumuler jusqu’à cinq parasites. Autrement dit, il est possible de mettre en place des stratégies de bonifications complémentaires pour tirer le meilleur parti dans ce jeu de négociation.
Enfin, ce jeu de hasard se retrouve sous une autre forme avec certains items de soin, de clé ou encore certains coffres, qui peuvent être maudits. Le joueur peut alors tenter sa chance en prenant l’item et risquer un malus ou non. En cas de malus, le jeu vous donnera une sous mission comme condition à remplir pour se débarrasser de ces malédictions. On se retrouve donc souvent à modifier fréquemment son style de jeu pour mieux avancer.
Une exclu PS5
Premier titre entièrement exclusif à la PS5, Returnal est livré avec tous les gimmicks de la console. On le constate en premier lieu par l’exploitation très bien pensée des possibilités offertes par la manette. La vibration HD est une fois de plus à la fête et le retour haptique des gâchettes est intelligemment utilisé pour créer un sous bouton, à la manière du clic de fin de course proposé par les manette gamecube à l’époque.
Le plus marquant reste tout de même l’exploitation de la technologie Tempest 3D Audio, qui permet de simuler une spatialisation du son sur un casque classique de manière extrêmement convaincante. C’est tout simplement impressionnant. À plusieurs reprises, dans le feu de l’action, nous avons entendu et esquivé des attaques lancées dans notre dos sans y repenser à deux fois, par pur instinct. On en est à ce niveau d’efficacité dans l’immersion sonore. L’exploitation d’une autre possibilité de la console nous à moins emballés cependant. En effet, Returnal ne propose pas de sauvegarde éphémère et incite le joueur à mettre la console en veille s’il ne veut pas perdre une partie en cours de route. Or, le jeu demande des parties particulièrement longues, qui peuvent prendre plusieurs heures. Obliger le joueur à utiliser la veille plutôt que proposer une sauvegarde éphémère est problématique car Returnal monopolise littéralement la console. Sans sauvegarde, il est impossible de jouer à un autre titre (RE8, ne me regarde pas comme ça!) sans arrêter le jeu. Pire, si vous partagez votre console avec plusieurs membres de votre famille (ou colloc), les autres joueurs seront privés de console également. Pour notre part, nous avons perdu une partie de 5 heures car un agent EDF devant installer un nouveau compteur a coupé le courant de notre appartement… Du coup, nous le disons d’expérience : Nous obliger à laisser sa console de salon allumée, même en veille, c’est vraiment archaïque.
Dans un délire perdu à mi-chemin entre Control et Metroid, où Samus aurait croisé le chemin du space jockey sortant du Solaris, Returnal multiplie les références tout en creusant son propre sillon, droit et sans concession. Il est éreintant physiquement et nerveusement, il peut être frustrant, voire même désespérant… mais, dans le même temps, il est vraiment accrocheur, vif, propose une ambiance peu commune et son histoire, si elle manque d’une résolution marquante, reste mise en scène avec brio. On apprend vraiment à y jouer avec le temps. Par ailleurs, il présente des tas de subtilités qui révèlent un travail d’ajustement phénoménal et on y sent un vrai amour du jeu vidéo. Alors oui, on tombe très (trop ?) souvent. Mais la beauté Returnal ne peut se révéler qui si on se relève pour se relancer. Et cette partie du jeu n’appartient qu’au joueur. S’il l’accepte, il apprendra que Returnal présente les exigences du mariage : on s’y engage exclusivement, pour le meilleur et pour le pire.