ASSASSIN’S CREED : SHADOW

Canada – 2025
Support : Playstation 5, Xbox Series, PC
Genre : Aventure, Action, RPG
Développeur : Ubisoft Québec
Musique : The Flight
Durée de jeu : Longue
Langue : Français
Éditeur : Ubisoft
Date de sortie : 20 mars 2025
LE PITCH
Vivez les histoires entremêlées de Naoe, une assassin shinobi expérimentée originaire de la province d’Iga, et celle de Yasuke, le puissant samouraï africain de la légende historique. Avec pour toile de fond la fin mouvementée de la période Sengoku, ce remarquable duo découvrira sa destinée commune et précipitera l’avènement d’une nouvelle ère pour le Japon.
Silence, on joue !
Oda Nobunaga est une figure importante de l’histoire du Japon. Autant décrié qu’adulé, il apparaît dans de nombreux jeux vidéo, autant comme un démon que comme un sage. Aujourd’hui, Assassin’s Creed Shadows explore une partie de la période que ce personnage historique a initiée. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que rien n’a été fait à moitié. De l’artistique à la technique en passant par l’ergonomie, on parle d’un travail de titan qui a donné un résultat grandiose. Respect !
Assassin’s Creed Shadows propose d’incarner deux personnages : Yasuke et Naoe. Le premier est un guerrier dont la technique profite de sa force brute. La seconde est une shinobi qui joue sur la vitesse et la discrétion. Ces deux personnages mettent chacun une emphase nouvelle sur la notion d’infiltration si chère à la série. Naoe est taillée pour une approche classique des missions d’assassinat et Yasuke apporte aux combats une touche plus massive que ce qu’on avait eu l’occasion de voir auparavant. Comme il ne possède pas la vision aigle, le sens qui permet de détecter les ennemis derrière les obstacles, ses incursions impliquent une plus grande préparation qu’à l’accoutumée. Une préparation d’autant plus nécessaire que sa corpulence le rend plus lent que Naoe, autant en course qu’en escalade. Les forces et les lacunes de chacun de ces personnages sont compensées par l’accès à un équipement spécifique et à des compétences propres, qui se débloquent très classiquement, au fur et à mesure que le joueur gagne en expérience, selon la formule bien rodée de la série. Le tout est proposé à travers ce contrôle minutieusement réglée, très maniable et intuitif, qui a fait le succès des épisodes précédents. Le pad en main, on sent très rapidement que nous partons sur les bases solides que nous attendions.
Escalder le Kinkaku-ji
Naoe et Yasuke incarnent deux philosophies de jeu bien différentes. Dans les deux cas, ils évoluent dans un monde finement agencé pour répondre aux exigences d’un Assassin’s Creed. De plus, l’architecture des bâtiments du Japon du XVIème siècle est propice à la mise en place de nouvelles mécaniques de jeu qu’on ne pourrait voir nulle part ailleurs dans le monde. On pensera par exemple au uguisubari, le plancher rossignol pensé pour grincer afin d’alerter d’une intrusion, ou encore aux étages intermédiaires des châteaux, imaginés pour faciliter l’espionnage ou l’évasion. Certaines de ces mécaniques sont si propres à l’univers japonais qu’elles ont déjà été vues dans d’autres jeux. Les assassinats à travers un shoji, les portes coulissantes aux fenêtres en papier, font partie des techniques de Ghost of Tsushima (2020) ou de Rise of the Ronin (2024). Il n’en reste pas moins qu’Assassin’s Creed Shadows exploite bien son univers. Il se distingue notamment par une variété de situations bien plus étendue que les titres que nous venons de citer. Explorer des tombes, revivre des souvenirs, dessiner ou gérer son camp, le jeu propose une foule d’activités qui servent autant la jouabilité que la narration ou l’explication de l’Histoire avec un grand H. Et le tout est servi avec une technique particulièrement poussée.
Inspirer le yûgen
En étant le premier opus totalement dédié à la génération actuelle, Assassin’s Creed Shadows est libre de s’exprimer à la hauteur des ambitions d’Anvil, le moteur maison. Et le résultat est tout simplement bluffant. Keep alive, synchro labiale, SSS, ray tracing, god rays… nous pourrions lancer une litanie de termes techniques et artistiques pour expliquer combien le jeu est soigné, à la fin, nous n’aurions rien dit de l’immense sentiment d’immersion qu’il procure. Il faut se voir évoluer dans une végétation dense, balayée par vent, zébrée par les ombres dansant à travers la conopée. En japonais, ces ombres sylvestres sont appelées Komorebi, et il est évident que les artistes de Shadows ont eu à cœur de retranscrire ce concept esthétique. Car c’est un détail qui s’intègre lui même dans le yûgen, une compréhension mystique et nostalgique de la beauté du monde, qu’il nous appartient de contempler. C’est ainsi que le jeu nous invite régulièrement à prendre un moment pour nous arrêter et nous imprégner de son environnement, impliquant une interactivité intéressante sur bien des points. De nombreux aspects de la culture japonaise sont ainsi convertis en éléments de game design avec beaucoup de justesse et de réussite. C’est là une des principale force du titre : il veut nous éduquer, mais il n’oublie jamais que nous sommes là pour jouer.
C’est un jeu vidéo
Assassin’s Creed Shadows entre dans les détails mais ne perd jamais vue que la priorité reste le confort du jeu. L’exemple le plus parlant se trouve dans la coutume japonaise de laisser ses chaussures à l’entrée d’un bâtiment. Plutôt que de lancer une animation qui risque de casser le rythme, les développeurs ont choisi de faire disparaître automatiquement les souliers si nécessaire. La première fois que le joueur croise un Torii, un texte bref explique que c’est un objet sacré qu’il faut respecter mais le joueur reste libre de l’escalader. Tous ces détails procèdent d’une réelle volonté de respecter autant la culture que le joueur, qui n’est jamais pris pour un idiot. Et c’est ainsi qu’on se retrouve avec une œuvre magistrale, proposant un confort de jeu rare et un charme fou. La topographie japonaise, largement montagneuse, est propice à mettre en valeur des panoramas grandioses. La mécanique de l’infiltration est mise à contribution pour observer et peindre la faune sauvage. Les prières faites aux sanctuaires shintos accordent des bonus temporaires. L’exploration des temples bouddhiques accordent des points de connaissance. Les offrandes donnent des points d’expérience… Les choses sont si bien faites et justifiées que la fameuse suspension de l’incrédulité n’est plus vraiment consentie. Car on pourrait y croire !
Tout comme un nouveau Dark Souls produit un Dark Souls et un nouveau Zelda ressemble à un Zelda, Assassin’s Creed Shadows reprend les fidèlement codes de sa série dans une formule bien connue. Pour autant, tout rassurant qu’il est, Shadows sait aussi se démarquer, autant d’un point de vue technique que vidéo ludique. Le jeu est confortable, son monde est extrêmement bien fait et la technique est à la pointe. L’histoire principale réserve aussi son lot de surprise, avec des hauts et des bas, et inclut comme il se doit les grands personnages de l’époque explorée dans des situations crédibles. Quand Nioh (2017) faisait de William Adams un samouraï blond emporté dans un univers fantastique, Assassin’s Creed Shadows propose une approche quasi documentaire qui respecte son sujet autant que son joueur. Pour autant, il n’oublie jamais qu’il reste un jeu vidéo. Et un jeu excellent, avec ça.